SimonVu l’heure, je sais qu’Elise n’est pas là, et pourtant me voilà devant chez Camille.Je n’ai pas dormi, j’ai déambulé en attendant de pouvoir venir la voir. C’est une envie à laquelle je n’arrive pas à me soustraire.Elle a dit que la situation actuelle était trop compliquée. Je me demande ce que cela veut dire.Je suis devant son bâtiment, ne sachant trop ce que je vais faire. Je n’ai ni ma guitare ni mon sombrero pour chanter la sérénade et il vaut sûrement mieux pour les oreilles de tout le monde que je m’abstienne de pousser la chansonnette.Une vieille dame sort de l’immeuble j’en profite pour me glisser à l’intérieur.J’entame la montée de l’escalier puis redescends, je devrais sûrement y aller.Seulement mes jambes s’en fichent des « je devrais sûrement ». Quand je me trouve devant la porte, j’hésite à faire demi-tour, pourtant je sonne.Elle se tient devant moi, la surprise se lit sur ses traits puis un sourire qui s
SolveigIl soupire à côté de moi, résigné, je le regarde faire alors qu’il s’approche et m’embrasse. C’est bon de le sentir contre moi, de sentir son odeur. Quand il se décide à me déshabiller, je le laisse faire, je le laisserai faire ce qu’il veut de moi, mais ça, il ne le sait pas. Pourquoi tendre le bâton pour se faire battre ? Et puis s’il savait, je perdrais tout intérêt. Je ne suis désirable que parce que je représente une sortie du quotidien. Une nouveauté.Il me guide, nous guide, il exige et prend tout. Et moi je lui donne tout, parce que ça vaut la peine, j’en suis sûre. Surtout quand j’entends sa voix au creux de mon oreille. Ça n’a rien de comparable. Rien. C’est le corps qui décide et l’esprit se réfugie dans un endroit qu’il tient secret. Une tornade de sensations dicte des mouvements qui ne nous appartiennent déjà plus. On peut mettre des mots. Décrire ces effleurements, ces gestes, mais jamais on ne pourra retranscrire avec justesse des moments comme ceux
EliseLes mots de ma meilleure amie résonnent dans ma tête. Ils m’ont donné à réfléchir. Si bien que je me suis décidée à passer chez nous pour le voir.—On boit un thé ? proposé-je à Simon.Il acquiesce, l’air perdu. J’ai peut-être exagéré. Je ne lui connais pas cet air et cela m’inquiète. Une fois nos tasses servies, je m’installe avec lui sur le sofa.—Je crois qu’on devrait parler, ajouté-je.—Je ne suis pas sûr.Je le regarde, hébétée.—Qu’est-ce que tu veux Elise ? Je pensais que tu voulais faire un break.—Je crois que j’ai dépassé les bornes.—Oh et bien, il était temps de t’en rendre compte !Je me lève d’un bond.—Es-tu obligé de m’agresser ?—Je crois qu’on devrait se séparer pour de bon.Je le scrute, ses yeux sont levés vers moi, aucune émotion ne transparaît alors que mes mains tremblent un peu.—Tu... Pourquoi ?Si
SolveigJe descends au bar de l’hôtel et commande un Daïquiri, puis deux, trois... jusqu’à ne plus compter. Le monde disparaît.Les fantômes de ma vie dansent devant mes yeux. Je suis complètement cuite, et seule – la honte.Il est temps que je remonte jusqu’à ma chambre. Il est minuit passé. Je titube, me prends les pieds dans le tapis, tombe à genoux sur le sol. Un rire incontrôlable m’agite. Je me relève difficilement et me dirige vers mon lit. Des larmes venues d’on ne sait où se mettent à dégouliner en trombes. Des litres de flotte qui surgissent de l’écran de fumée qu’est la vie. Je regarde mon téléphone. Toujours pas d’appel d’Elise. Je suis trop épuisée pour le faire à sa place et sombre.Je suis dans un nuage épais, gris, une brume opaque, qui peu à peu se dissipe.Erick, Baptiste et Elise sont côte à côte, comme paralysés. Erick a les yeux fermés, je m’approche de lui, il les ouvre brusquement, les écarquille. Rien d’autre ne bouge. Je tente
Solveig«Elle a de la chance, le body-scanner ne montre rien de dramatique.»«En même temps, qu’est-ce qu’ils fichaient tous en pleine forêt?»«Probablement la fête. Son alcoolémie est légèrement positive, on peut supposer qu’elle l’était bien davantage il y a quelques heures.»On fait la causette au-dessus de moi, je comprends des bribes de conversations. À nouveau on parle de moi, alors que je suis là. Pourtant il m’est impossible de pester, de dire à ces deux voix féminines d’arrêter. D’autant que je ne les reconnais pas. Et si j’essayais d’ouvrir les yeux, peut-être cela m’aiderait-il?Seulement c’est trop dur. Je crois que je vais plutôt me rendormir.Je me sens bien, détendue, tout s’efface, même moi.**Bip. Bip. Bip.Je me redresse sur mon lit.Mon tour, je n’ai pas fait mon tour.Solveig, essaie de te souvenir, dans quelle chambre y a-t-il un scope
SolveigJe suis dans un lit d’hôpital. Découverte miraculeuse du matin.Je ne suis pas dans une forêt étrange. Je ne suis pas non plus en train de dormir au travail.Mes pensées semblent s’éclaircir.À côté de moi, sur un fauteuil, un grand blond est endormi. Serait-ce Erick? Je tends le cou difficilement afin de mieux voir.Si ce n’est lui, c’est donc son frère…Je me laisse glisser à nouveau sur mon oreiller essayant de rassembler mes souvenirs pour comprendre quelque chose.—Tu es réveillée? Comment te sens-tu?Il se penche au-dessus de moi pour actionner la sonnette.—Je ne sais pas trop, je n’arrive pas à faire le tri entre la réalité et… Comment ai-je atterri ici?—Les secouristes nous ont extraits de la forêt dans laquelle nous étions avec Elise et Baptiste.Alors je n’ai pas déliré nous y étions vraiment.—Tu peux me dire ce qu’il s’est passé
SolveigMon corps entier me fait souffrir. La chute a été rude, mais l’état comateux dans lequel elle m’a plongé m’a permis d’aller récupérer tout le monde. Je fais glisser ma main sous les draps. The White Side est bien là. Tant que je ne suis pas sortie de l’hôpital, j’ai peur de l’égarer et que ce cauchemar devienne à nouveau notre réalité.On frappe à la porte.—Oui ?Erick passe sa tête dans l’embrasure. Je me tortille pour essayer de me rendre plus à mon avantage – douloureusement et inutilement. Je ne parviens qu’à gémir. Il se précipite vers moi.—Ça va ?—Oui, ne t’inquiète pas, le rassuré-je. Et toi ?Il incline la tête. Depuis que je suis hospitalisée, il me rend visite tous les jours. Nous avons parlé de sa disparition.Ce n’est pas vraiment son genre de déserter comme il l’a fait, mais il n’a pas supporté la pression. En sortant de chez L.V., il n’a pas compris ce qui lui arrivait. Cela faisait des s
KristinL’automne est déjà bien avancé, on pourrait se croire en hiver. Des feuilles mortes virevoltent dehors. Un frisson s’empare de moi alors que nous sommes bien au chaud. Je serre la main de Baptiste – sûrement un peu trop fort par instants, car il la fait bouger de plus en plus. Je relâche un peu la pression.—Merci !J’ai beau rationaliser, les événements du printemps dernier m’ont marqué au fer rouge. Nous n’avons pas vraiment d’explication sur ce qu’il s’est passé, et je suis terrifiée à l’idée que cela se produise à nouveau.Mon frère trouve d’ailleurs que je l’appelle trop. Il faut bien que je vérifie qu’il ne se soit pas à nouveau volatilisé ! Solveig a tenté de me rassurer, elle dit qu’elle sait que ça n’arrivera plus. Cela ne me suffit pas, mais je n’ai pas mieux. Je profite donc tant que faire se peut de Baptiste.Cet été, il m’a invité à l’accompagner visiter sa famille. Solveig m’a aidée à préparer cette escapade et j’ai pu béné
Solveig—Solveig, tu as un mail! me crie Erick, du salon.Je finis de ranger quelques affaires à l’étage et descends l’escalier pour me rendre devant mon ordinateur.De: EliseObjet: The White SideSalut Solveig,J’espère qu’Erick et toi allez bien. C’est le cas pour Martin et moi. Nous sommes à Sidney et je voulais te dire, car je pense que tu voudrais savoir… ça y est, nous l’avons retrouvé, il est dans notre sac. Nous nous étions rapprochés d’un laboratoire en Nouvelle-Zélande qui pratique des examens sur les objets anciens, les parchemins exposés dans les musées, ce genre de choses. Moyennant finance, nous nous sommes mis d’accord pour qu’ils l’étudient. Nous rentrons donc dès demain pour leur confier.Je crois que nous avons réussi à le mettre hors d’état de nuire. Autre chose, j’ai lu ton
EliseLe téléphone sonne, voilà enfin ce coup de fil que j’attends depuis bien trop longtemps.—Prépare tes affaires, j’ai retrouvé sa trace à Sidney.—Laisse-moi une heure et je suis prête. Tu me rejoins à la maison? interrogé-je un Martin surexcité.Des tas de pensées se bousculent dans ma tête. Parviendrons-nous à convaincre son nouvel auteur de ne pas détruire l’objet de nos recherches ?Nous avons encore tellement de questions et surtout un objectif, l’arrêter. Il nous reste un peu moins d’un an avant sa prochaine disparition.Je prépare mes vêtements à la hâte, si bien que je dois attendre Martin afin que nous embarquions direction l’Australie. Nous empruntons un taxi pour nous rendre à l’aéroport et je sens mon ami songeur, ailleurs, durant tout le trajet. Une fois bien installés dans l’avion, il m’attrape la main et la serre un peu fort.—Je ne savais pas que tu avais peur de l’avion, constaté-je.—
SolveigDevant la galerie où expose Simon ce soir, je trépigne d’impatience. Les choses ont bien changé en un an. Nos vies ne sont plus les mêmes, nous ne sommes plus les mêmes. Mais tous, nous sommes arrangés pour être là ce soir. Camille a évidemment fait garder Elena. Kristin et Baptiste sont là, Erick aussi, bien sûr, à mes côtés.Le brouillard est derrière nous.—Bonsoir ! entends-je dans mon dos.Elise, le teint hâlé, sans mèche rose et souriante se tient devant nous.Je n’ai eu que peu de nouvelles depuis son départ, juste de quoi savoir qu’elle était toujours en vie, il me semble avoir devant moi une fleur qui a éclos.Elle resplendit.Je la serre dans mes bras et nous échangeons quelques mots. Ensemble, nous entrons enfin pour découvrir les œuvres de notre ami. Il nous a prévenus qu’une œuvre majeure crée l’année dernière en était l’élément central. Nous ne sommes pas déçus, je réalise seulement maintenant l’ampleur de son
EliseJe suis fauchée. J’avais quelques économies quand j’ai claqué la porte de ma vie en France, dorénavant, je n’ai plus de quoi tenir un mois. Un journal dans les mains, j’épluche les petites annonces.Les autres années, je passais au moins une partie des fêtes avec mes parents, cette année ce ne sera pas le cas. Cela m’a finalement bien arrangée d’avoir le prétexte de l’argent. Je n’arrivais pas à me dire qu’il allait falloir que je reprenne une place, un rôle qui n’est plus le mien, et en plus sans Simon.J’ai parcouru les brocantes et ai trouvé un cadeau parfait pour Martin. Quand je l’ai vu, je me suis dit que ce ne pouvait être qu’un présent de ma part pour lui. Nous avons prévu de partager un repas ce soir et j’ai hâte de lui offrir. Quelque part, le carnet nous a réunis, et m’a permis de tourner la page avec tout ce qui ne tournait plus rond dans ma vie. Et Martin s’est trouvé à côté de moi au bon moment.C’est lui qui cuisine et m’invite dans l’ap
EliseJe me rends dans un café pour rejoindre Martin, il m’a appelé aux aurores, car il a fait une découverte qu’il voulait impérativement partager avec moi. L’avantage du fait qu’il soit si tôt est qu’un jus noir bien serré m’est servi à la vitesse de l’éclair, vu que pour une fois il n’y a pas foule. L’inconvénient est que je suis épuisée.Je me tourne et retourne les méninges toutes les nuits, pensant à Solveig qui savait forcément. Me demandant si le carnet a le temps de faire à nouveau une apparition d’ici la fin de l’année. Ne comprenant pas encore tous les tenants et les aboutissants.Je remarque que Martin subit aussi la fatigue quand il me rejoint à table.—Encore une nuit difficile? lui lancé-je—La question serait plutôt quand ai-je vraiment dormi pour la dernière fois!—Tu voulais me parler de quelque chose?—Oui, j’ai étendu mes recherches, parce que jusqu’à présent je me suis conten
EliseJe regarde le soleil se coucher bercée par le bruit des vagues qui m’apaise et l’odeur salée me rappelle que je ne suis plus chez moi. Le vent souffle, comme toujours ici agitant mes cheveux.Après m’être assurée que mon amie allait s’en sortir, j’ai voulu prendre le large. Je suis partie, seule, voir le monde. Abandonnant derrière moi ma mèche rose.Je n’ai pas souvent pris l’avion dans ma vie. Ce n’est pas faute d’avoir voulu partir, ce n’était pourtant jamais le moment. J’ai besoin de réponses, car je ne comprends toujours pas ce qu’il s’est passé. La police nous a interrogés puis a fait des tonnes de prélèvements. Le fait que nous ayons tous été retrouvés au même endroit peut laisser penser à un enlèvement. Simon et Camille nous ont bombardés de questions. Je n’ai ni réponse ni souvenir. Je sens bien que Solveig a plus d’éléments que nous, mais elle se refuse à en dire quoi que ce soit.De mon côté, à force de chercher des témoignages sur internet,
KristinL’automne est déjà bien avancé, on pourrait se croire en hiver. Des feuilles mortes virevoltent dehors. Un frisson s’empare de moi alors que nous sommes bien au chaud. Je serre la main de Baptiste – sûrement un peu trop fort par instants, car il la fait bouger de plus en plus. Je relâche un peu la pression.—Merci !J’ai beau rationaliser, les événements du printemps dernier m’ont marqué au fer rouge. Nous n’avons pas vraiment d’explication sur ce qu’il s’est passé, et je suis terrifiée à l’idée que cela se produise à nouveau.Mon frère trouve d’ailleurs que je l’appelle trop. Il faut bien que je vérifie qu’il ne se soit pas à nouveau volatilisé ! Solveig a tenté de me rassurer, elle dit qu’elle sait que ça n’arrivera plus. Cela ne me suffit pas, mais je n’ai pas mieux. Je profite donc tant que faire se peut de Baptiste.Cet été, il m’a invité à l’accompagner visiter sa famille. Solveig m’a aidée à préparer cette escapade et j’ai pu béné
SolveigMon corps entier me fait souffrir. La chute a été rude, mais l’état comateux dans lequel elle m’a plongé m’a permis d’aller récupérer tout le monde. Je fais glisser ma main sous les draps. The White Side est bien là. Tant que je ne suis pas sortie de l’hôpital, j’ai peur de l’égarer et que ce cauchemar devienne à nouveau notre réalité.On frappe à la porte.—Oui ?Erick passe sa tête dans l’embrasure. Je me tortille pour essayer de me rendre plus à mon avantage – douloureusement et inutilement. Je ne parviens qu’à gémir. Il se précipite vers moi.—Ça va ?—Oui, ne t’inquiète pas, le rassuré-je. Et toi ?Il incline la tête. Depuis que je suis hospitalisée, il me rend visite tous les jours. Nous avons parlé de sa disparition.Ce n’est pas vraiment son genre de déserter comme il l’a fait, mais il n’a pas supporté la pression. En sortant de chez L.V., il n’a pas compris ce qui lui arrivait. Cela faisait des s
SolveigJe suis dans un lit d’hôpital. Découverte miraculeuse du matin.Je ne suis pas dans une forêt étrange. Je ne suis pas non plus en train de dormir au travail.Mes pensées semblent s’éclaircir.À côté de moi, sur un fauteuil, un grand blond est endormi. Serait-ce Erick? Je tends le cou difficilement afin de mieux voir.Si ce n’est lui, c’est donc son frère…Je me laisse glisser à nouveau sur mon oreiller essayant de rassembler mes souvenirs pour comprendre quelque chose.—Tu es réveillée? Comment te sens-tu?Il se penche au-dessus de moi pour actionner la sonnette.—Je ne sais pas trop, je n’arrive pas à faire le tri entre la réalité et… Comment ai-je atterri ici?—Les secouristes nous ont extraits de la forêt dans laquelle nous étions avec Elise et Baptiste.Alors je n’ai pas déliré nous y étions vraiment.—Tu peux me dire ce qu’il s’est passé