La lune voilée par les nuages éclairait son chemin d’une lumière pâle et habillait les recoins sombres de nuances fantastiques. À la faveur de la nuit la raison semble s’effacer au profit d’une émotion venue du fond des âges, et sous la lune tous les décors prennent une autre dimension.
Les sphinx du Châtelet dormaient tandis que les gargouilles de la tour St Jacques semblaient prêtes à attaquer la moindre menace sur Paris de leur bouche hurlante.
Arrivée chez elle, Lamia trouva son chat en train de miauler.
« Qu’est-ce qui se passe Nicolas ? »
Nicolas courut vers la porte qui menait à la grande cave. Une porte en bois sur laquelle étaient gravés des symboles étranges, un dragon, des corps nus entrelacés, un rosaire, et deux triangles pointes inversées qui s’entrecroisaient. Tout cela semblait avoir un sens bien défini mais restait hermétique pour Lamia. Elle s’était plusieurs fois interrogée dessus, pressentant un domaine d’exploration intéressant mais elle n’avait pas encore les éléments nécessaires à la compréhension.
Lamia ouvrit la porte qui tourna difficilement. Les gonds étaient hors d’âge et le bois gonflé par l’humidité. La porte craquait, Lamia franchit le seuil, munie d’un chandelier.
L’escalier plongeait dans l’obscurité. La jeune femme avait toujours aimé aller dans cette cave à l’odeur d’humidité et puis elle appréciait le contact des parois de calcaire. Lamia descendit précautionneusement. Nicolas miaulait tout en bas.
« J’arrive, j’arrive ! »
Rendue au pied de l’escalier, elle éclaira les voûtes de l’immense cave remplie d’un capharnaüm composé d’un grand lit, de vieux meubles abîmés, d’un vélo hors d’usage.
Parfois elle s’y réfugiait le jour pour rêvasser mais c’était la première fois qu’elle y venait la nuit. Aussitôt la pièce prenait un aspect nettement plus mystérieux. Lamia avait un tempérament courageux mais assez impressionnable. Or à la lumière tremblotante du chandelier, les coins et recoins devenaient une source potentielle de danger dans laquelle son imagination s’engouffrait. Sans compter que le bois des meubles craquait et délivrait des bruits inquiétants. Lamia avait les nerfs tendus et Nicolas continuait de râler. Avec l’humidité et le froid pour ne rien arranger, Lamia grelottait.
Le chat l’entraînait au fond sur la gauche, du côté d’une armoire, il se trouvait derrière un grand miroir de pied qui était appuyé sur le mur.
Lamia rapprocha le halo du chandelier de l’endroit et ne vit pas son chat. Par contre elle découvrit derrière la glace un trou dans le mur, qui manifestement s’ouvrait sur une autre pièce jusqu’ici dissimulée. L’anfractuosité lui laissait juste assez de place pour se faufiler. Un souffle d’air vint éteindre deux bougies sur les trois du chandelier. L’aventure commençait à devenir effrayante. Elle tira le miroir et laissa le chandelier non loin du trou, sur le côté. Elle se glissa à l’intérieur de l’autre pièce, une toile d’araignée se colla à son visage et se prit dans les cheveux, elle la balaya nerveusement. Sur sa gauche, des trottinements. Sûrement une souris ou un rat. Bien vite, elle tendit le bras pour récupérer son chandelier. Derrière elle, il lui semblait sentir une présence.
Elle tira péniblement le chandelier en priant le Grand Tout pour qu’il ne s’éteigne pas, et se maudit d’avoir oublié le briquet à étoupe qu’elle s’était fabriqué.
Enfin elle se redressa pour découvrir cette nouvelle salle. Sans doute à cause de l’humidité, la flamme était faible et la fumée importante. Des voûtes avec ogives soutenues par des piliers s’offrirent à ses yeux. C’était sûrement un endroit très ancien. Dans un coin, elle distingua le foyer d’une cheminée. Des ustensiles pour s’occuper du feu, des flacons en verre artisanal recouvert de poussière reposaient sur des tables et une étagère. La sensation d’être observée demeurait. Elle n’entendait plus son chat.
Elle tourna le chandelier vers un coin resté dans l’obscurité. Elle avait beau éclairer, le coin restait obscur ! Soudain, comme s’il s’agissait d’une silhouette vêtue d’un manteau noir qui se retournait, un homme apparut. Lamia sursauta et resta paralysée d’étonnement. Son chat se frottait aux jambes de l’inconnu, la queue dressée de plaisir.
« Bonjour Lamia. »
Interloquée, elle regarda l’homme. La cinquantaine apparente, elle distingua un visage où s’enfonçait des yeux ténébreux, des lèvres charnues, une mâchoire forte, un nez aquilin qui lui dessinait un profil où la force grossière de l’ours se disputait la délicate fierté de l’aigle. Elle discerna un homme de volonté et d’action avec une aura comme elle n’en avait jamais ressentie. Il portait une mante couleur charbon. Son poitrail était recouvert d’une tunique en cuir ornée d’un dragon vert qui s’enroulait autour d’un caducée.
Il n’avait pas l’air menaçant. Elle n’observait aucune trace de poussière sur la mante et pourtant, il n’y avait aucune porte qui menait à cette salle.
« Comment avez-vous fait pour entrer ?
— Tu ne te laisses pas facilement impressionner Lamia… Te dire tout d’abord qui je suis t’aidera sans doute à comprendre. Je suis quelqu’un qui a hanté cette maison il y a fort longtemps, plus d’un millénaire…
— Ne me racontez pas de salades !
Pour toute réponse, l’inconnu, lança le bras dans sa direction, un souffle glacial lui effleura le visage, et la flamme de la dernière bougie s’éteignit.
— Qu’est-ce que vous faites ? »
Lamia tâtonna dans l’obscurité et essayait de percevoir d’éventuels mouvements de son visiteur qui lui semblait d’un coup moins inoffensif. La lumière l’aveugla. Puis ses yeux s’habituèrent. Les paupières encore plissées, elle le voyait nimbé d’une lumière qui semblait sortir de son corps et se prolonger au-dessus de la tête. Les yeux rouges feu.
La lumière décrut, le sorcier tendit à nouveau vers elle le bras, un souffle chaud la parcourut et le chandelier se ralluma.
« Je m’appelle Nicolas Flamel. J’étais l’habitant célèbre de ce lieu, foyer de mes expérimentations qui menèrent à la grande transformation. Un véritable alchimiste et pas seulement un souffleur comme il en existait tant à mon époque. »
Lamia, qui n’entendait rien à ces explications, restait cependant persuadée qu’elle tenait là un être extraordinaire, bien décidé à lui adresser la parole.
Par acquit de conscience, elle se donna une claque pour vérifier qu’elle ne souffrait pas d’une hallucination. Mais Nicolas Flamel ne disparut pas. Au contraire, il souriait franchement en la regardant. Et sa joue lui faisait mal.
« Approche-toi, n’aie pas peur. Je viens te demander de l’aide. »
Comment pourrait-elle aider un tel être ?
« D’accord je vous crois, mais qu’est-ce que je peux pour vous ?
— L’humanité et plus globalement une branche de l’évolution et de l’univers est en grand danger. Comme tu le sais, ceux que vous appelez les reptiliens s’intéressent de plus en plus à la Terre. »
Nicolas lui prit brusquement la nuque entre les mains et tira Lamia vers lui de manière à ce qu’ils se retrouvent front contre front.
Le décor de la salle s’effaça. Nuées rouges, arbres coupés qui tombent avec fracas, un énorme tube de métal relié à un vaisseau envahisseur fouaille les entrailles de la terre.
Gigantesque bruit, la terre tremble, sucée par un ver de métal monstrueux. Métal qui rougeoie et aspire le magma en fusion.
Les reptiliens tuent, massacrent tous les soldats se mettant en travers de leur chemin. Le sang abreuve la terre. La terre se vide, exsangue. Cendres, froid, arbres morts. Paysages lunaires. Des vents toxiques de monoxyde de carbone balaient les reliefs désertiques. Nulle oreille pour entendre un soupçon de vie.
Haut dans le ciel, des nuées de vaisseaux reptiliens rétractent leurs tentacules et crèvent en éclairs blancs l’atmosphère pour gagner l’espace intergalactique, chargées d’une précieuse cargaison : l’énergie de la terre.
Lamia sentait encore la marque brûlante de la main de Nicolas Flamel sur sa nuque quand elle rouvrit les yeux.
Toutes les informations s’étaient abattues dans son esprit comme une avalanche. Elle était étourdie et se raccrocha au bras de l’alchimiste. Envahie par des nausées, elle était prise de tremblements.
« C’est une vision ?
— Non, je t’ai transportée dans le futur, tu l’as vu à la manière d’un Elonirte1. C’est pour cela que tu es physiquement si bouleversée.
— C’est quoi un Elonirte ?
— C’est un être comme moi, qui a su gagner une contrée hors du temps et immortelle : Armor.
— Hmmm. C’est le futur de la terre que j’ai vu ?
— Le futur de plus en plus probable oui. Sauf si tu décides d’agir.
Lamia, le fixa, sceptique.
— Tu as été choisie pour accomplir une mission. Ta grande intelligence, ton apparence physique, entre autres, sont des critères décisifs, même si tu as beaucoup de choses à apprendre avant que nous t’envoyions loin dans le passé de l’humanité.
Lamia secoua la tête, agacée :
— Je ne comprends pas.
— Vois l’évolution de l’humanité dans le temps comme un arbre avec des nœuds qui donnent des branches. Il existe un nœud dans son Histoire qui n’a pas été suivi alors que s’il l’avait été, vous seriez en mesure de lutter contre les reptiliens. Fin XIXe siècle, début XXe siècle, un savant Nikola Tesla inventa le courant alternatif et s’intéressait aux secrets de l’énergie universelle. Malheureusement, de manière tout à fait logique, les puissances de l’argent arrêtèrent de financer ses recherches car Tesla envisageait une énergie inépuisable et gratuite. Nous ne savons pas si Tesla a mené à bien ses recherches secrètes mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’estimait pas l’humanité de son temps assez mûre pour des découvertes de cet ordre. Nous avons besoin de quelqu’un qui récupère de manière très discrète ses connaissances sans influencer le cours de l’histoire.
— Et cette personne, ce serait moi ? Vous pensez que je suis à même de lui soutirer ses secrets ?
— C’est possible, oui, en fait tout m’incline à le penser. Mais je ne peux t’en dire plus, le temps nous est compté, ici.
— Je dois prendre ma décision maintenant ?
— Oui. Je ne pourrai pas intervenir dans l’histoire de l’humanité une seconde fois, les gardiens du Temps m’intercepteront et m’annihileront : personne, pas même les Elonirtes ne peuvent se soustraire à la loi du Temps et de ses gardiens. »
Lamia ne comprenait pas ce discours dans les détails mais en sentait la sincérité profonde. Cependant, c’était un pas vers l’inconnu incroyable ! Peu de temps auparavant, elle était préoccupée par Valérian, par son aventure avec Paul, par sa discussion avec sa grand-mère et voilà qu’on lui demandait de s’arracher à ce monde et d’aller sauver la patrie en danger dans un voyage qui s’annonçait absolument imprévisible et bouleversant ! Lamia en fait n’hésita pas longtemps.
« D’accord, je viens.
— Très bien, tout d’abord, donne-moi cette amulette. »
Il prit l’amulette entre ses mains qui se mirent à rougeoyer, et prononça quelques paroles à voix basse dans une langue incompréhensible. Puis il la passa autour du cou de Lamia. Ses mains s’attardèrent un peu sur son cou, c’était un contact agréable. Ils se regardèrent. Assurément, en termes d’expérience, un abîme les séparait, mais en cet instant Lamia se sentait proche de l’alchimiste.
« Pour gagner le royaume d’Armor, il te faudra dire la formule suivante : “Armor mathaz” tout en tenant ton amulette entre tes mains comme si tu faisais une prière. Tu as compris ?
— Oui.
— Hé bien, alors allons-y ! »
Lamia prit l’amulette entre ses mains :
« Armor mathaz »
Assis en tailleur, faisant face à la fenêtre qui donne sur l’orient, Valérian méditait en attendant l’aube nouvelle. Il avait passé une nuit agitée à penser à la trahison de Lamia. Il n’avait pu s’empêcher de l’imaginer en train de baiser avec Paul alors que lui mettait tant d’application à respecter les traditions. En même temps, c’était bien dans le caractère de Lamia de transgresser les règles. Il ne pouvait prétendre l’aimer et à la fois ignorer cet aspect de sa personnalité. Il distingua deux pensées en lui, l’une de basse énergie, qui l’entraînait dans les tourments de l’ego, et l’autre plus élevée qui l’emmenait vers plus de compréhension, d’acceptation.Finalement, il avait do
Le paysage de la cave disparut. Nicolas la tenait par la main, une main chaude et protectrice. Dans ce maelström, elle devait absolument lui accorder toute sa confiance, sous peine de perdre l’intégrité de son corps. Enfin, sa perception retrouva toute sa cohérence.Ils se tenaient en haut d’une colline verdoyante où soufflait un vent doux. Sous son pied, elle sentit un caillou qui la rassura sur la réalité de ce qu’elle vivait. Pour couronner le tout, elle alla vomir dans un buisson tout proche.«C’est normal, ton esprit et ton corps ne sont pas encore habitués, d’autant que là, ce n’était pas toi qui dirigeais la manœuvre.»Tremblante, Lamia jeta un regard dégoûté vers Nicolas Flamel.
Lamia percevait la lumière du jour à travers ses paupières closes et profitait dans sa semi-torpeur de la chaleur des deux corps qui la pressaient. Fameux moments qu’elle avait connus, Lamia n’avait pas envie de rompre tout de suite cet engourdissement bienfaisant.Contre ses fesses, elle sentait le sexe de Stéphane qui durcissait sans vergogne.Les trois jeunes gens s’agitèrent enfin et décidèrent de se lever.«Rhubarbe au petit-déjeuner?», lança Cynthia. Éclats de rire des trois compères.Ils allèrent se baigner dans un étang non loin qui était alimenté par une cascade. Lamia observa avec étonnement une licorne tandis que les jeunes gens autour d’elle n
Lamia écoutait le doux chant de la pluie sur les feuilles. Allongée sur l’herbe, ce matin, elle s’imprégnait de l’odeur de l’humus. Des rigoles d’eau tiède imprégnaient ses vêtements et sa peau.La voix d’Aphrodite lui parvenait lointaine, à travers un brouillard bien réel:«La séduction, ce n’est pas ce que vous croyez jeunes femmes, ce n’est pas arborer des tenues qui laissent entrevoir vos charmes, ce n’est pas vous maquiller de façon à vous faire ressembler à des déesses… La séduction en fait mes chéries passe par la présence à l’instant, par le jeu, par l’attention accordée à chacun des gestes, à l’interaction avec votre partenaire; alors l&rsq
La brume matinale déposait sa froide rosée sur les corps endormis, enroulés dans leurs couvertures. Nexa, Markus, et Valérian s’étaient collés les uns contre les autres pour se tenir chaud. Ils n’avaient pas fait de feu pendant la nuit, pour ne pas être repérés par les reptiliens. Ils approchaient de la zone dangereuse, et la longue expérience des éclaireurs montrait que les extraterrestres étaient très sensibles à la chaleur et pouvaient la détecter sur une longue distance. Ils n’avaient pas réellement dormi pendant que tour à tour l’un d’entre eux prenait son tour de garde. Ils s’étaient relayés ainsi toute la nuit. Dans le ciel obscur, le guetteur pouvait observer les traces lumineuses des vaisseaux reptiliens tandis que les sifflements suraigus venaient briser le murmure de la forê
Les bras ballants, Lamia ouvrit les yeux. Devant elle, l’assemblée de ses camarades la dévisageait, légèrement inquiets, d’autres le sourire aux lèvres, d’autres encore, ceux du premier rang, semblaient prêts à la secourir au cas où elle tomberait.Elle tourna la tête sur sa gauche et vit un homme qui la regardait, l’air de comprendre tout ce qui se passait. Il était vêtu d’un complet anglais; dans une poche, une montre à gousset dépassait avec sa chaîne en or. Lamia ne savait plus où elle en était mais ses sens étaient sensibles à un tel point qu’il lui semblait entendre le tic-tac de la montre.«Lamia, te souviens-tu de ce qui s’est passé?»Elle f
«À l’époque où l’on vous envoie, les gens sont très élégants mais surtout très corsetés!» maugréa l’habilleuse en tirant sur les lacets du corset de Lamia. Sous la poussée, Lamia expira d’un coup et aurait bien mis une gifle à l’impudente si elle n’avait pas su que malheureusement c’était la mode à l’époque. Ses seins étaient compressés et ses côtes comprimées par cet infâme carcan… «Infâme»… Oui contraire aux femmes.Ah les hommes avaient la part belle, se dit-elle en reluquant les jolis costumes des hommes, leurs hauts de forme, les montres à gousset. Stéphane avait fière allure, d’autant que sa chevelure rousse faisait un joli contraste avec l
«Les lâches ont peur avant le combat, les hommes normaux pendant, les guerriers après.»En vertu de cette maxime, une fois rentrés à la maison, Lamia, Stéphane et Cynthia eurent un frisson rétrospectif en pensant à ce qui aurait pu leur arriver. Se faire trépaner et sucer la tête était une mort pour le moins affreuse.Cette nuit-là fut agitée: ils firent l’amour comme jamais et s’épuisèrent jusqu’au petit matin.Pourtant, Stéphane ne devrait pas baisser pavillon ce jour-là car il avait un nouveau cours de séduction de Madame Tabelsi qui devait enseigner aux hommes comment séduire un homosexuel.Au petit-déjeuner, Lamia l’observ
Rien n’avait changé mais tout avait changé. Dans l’obscurité, Lamia cligna des yeux et se remplit les poumons de l’air de la cave humide et froide. Elle retrouva l’odeur de salpêtre et de calcaire qu’enfant elle aimait tant.Contre sa jambe elle sentit le corps poilu de son chat qui venait se frotter, comme si elle ne l’avait pas quitté un instant. Et d’ailleurs, c’était exactement ce qui se passait pour son chat puisqu’elle s’était téléportée au moment même où Nicolas Flamel l’avait emportée vers Armor au tout début de son aventure. Oui, rien n’avait changé mais tout avait changé: Plus jamais elle ne verrait Nicolas Flamel, elle avait vieilli de cinq ans en un instant, et elle devait assumer un nouveau rôle au sein de sa communau
Valérian, monté sur son âne, contemplait le dos de Nexa tout en entendant derrière lui le pas de la monture sur laquelle étaient juchés Jacinthe et le jeune saurien, soigneusement ligoté. Pourtant, le jeune extraterrestre ne montrait aucun signe d’hostilité ni envie de fuir. Valérian l’avait baptisé «Sauran». Il se retourna pour observer le curieux couple, Jacinthe tenant les rênes, et le saurien serrant fermement entre ses cuisses le ventre de l’âne. Au départ, la monture n’avait pas arrêté de braire quand elle avait vu l’extraterrestre mais celui-ci s’était approché doucement et avait émis quelques clics tout en la regardant dans les yeux. L’âne s’était immédiatement calmé. Nexa et Valérian avaient échangé un coup d
Lamia ouvrit les yeux. Un manteau de brume recouvrait le dolmen et le lac. Sur une jetée terreuse, Madame Tabelsi méditait en position du lotus, les mains sur les genoux, pouce et index joints en cercles. De dos, on pouvait voir sa chevelure noire coiffée en un long chignon recouvert de fleurs, son haut vert qui dévoilait le bas du dos et un sari orange qui partait de l’épaule pour rejoindre la hanche. Une grande douceur émanait d’elle. Comme un galet posé sur l’eau. Sans prendre appui sur ses mains, Madame Tabelsi décroisa ses jambes, se releva gracieusement et se retourna vers Lamia. Elle portait un collier tour de cou en ruban de tissu muni d’une feuille en bronze ouvragé. Le ventre nu, la sarouel lui dessinait des hanches sensuelles. Lamia courut vers elle, et s’effondra en larmes dans ses bras.«Ma chérie,
Espace, temps, frontières du fini… Un silence planait sur la pente rocailleuse. Entre les cinq colonnes, la boule était noire, comme dénuée de vie. Des gardiens du Temps erraient, déboussolés. Le ciel s’assombrit, et d’immenses éclairs frappèrent le sol dans un vacarme assourdissant. Un vent souffla sur la plaine aride. Dans la sphère obscure se refléta un vortex.Les nuages se transformèrent en colonnes de gaz noires. Les gardiens du Temps rampaient sur la terre dans l’attente de quelque apocalypse. Les cylindres gazeux formèrent des doigts et bientôt d’immenses mains qui vinrent survoler la boule enchâssée entre les cinq colonnes. Une odeur pestilentielle se répandit.Une voix glaciale, métallique emplit l’espace:
Le pilier tremblait. Le quartier tremblait. La terre tremblait. De stupéfaction les gens s’arrêtaient et se demandaient si une formidable énergie n’allait pas engloutir leur monde sous les décombres. Des vitres volèrent en éclat. Affolée, la foule se ruait hors des immeubles.Les assistants suppliaient Tesla d’arrêter le petit oscillateur qu’il avait mis en branle contre le pilier central du laboratoire. Celui-ci disait: «Regardez l’effet d’une simple mise en résonance.» Les murs du laboratoire vibraient, tout l’immobilier du laboratoire était secoué faisant craindre un effondrement prochain. Les assistants affolés quittaient le navire pendant que Tesla les regardait d’un air narquois.«Lætitia, vous voyez
Aube naissante, Valérian regardait les premiers rayons de soleil transpercer la couche nuageuse. À côté de lui dans la grotte humide et froide, les corps endormis et confiants de Nexa et de la petite, enroulés dans des peaux de bête. Il allait falloir lui trouver un prénom, songeait Valérian. Il avait déjà une petite idée sur la question.Il s’approcha de Nexa et lui secoua l’épaule pour la réveiller. Il avait encore du mal à se montrer réellement tendre. Après tout, ils étaient en mission, et l’heure était à la vigilance et non à la bagatelle. Ce n’était pas du tout la même énergie, et pour l’instant la survie était l’objectif principal.Nexa en ouvrant les yeux le dévisagea et lui
«Je ne sais plus quoi faire.»Lamia, dans une brasserie de New York, expliquait à Cynthia et Stéphane qu’elle avait l’impression de stagner dans sa relation avec Tesla et même de reculer.«Il me phagocyte tous les jours de la semaine, je suis sa bonniche mais plus je le sers, moins il me livre le secret de ses pensées. Et si je ne le sers pas, il risque de me renvoyer.Les jeunes gens accueillirent en silence sa confession, ils sentaient que Lamia en avait gros sur le cœur.—Provoque-le, je ne vois que ça à faire.» finit par dire Cynthia.Après les avoir vus, Lamia rentra à l’hôtel particulier. Ce qu’elle n’avait pas dit, c&rsquo
Espace, temps, frontières du fini… Sur un rythme syncopé, la boule enfle, rougeoie, scintille, faisant entendre des battements sourds comme les pulsations d’un cœur énorme, régulier et puissant.Dans leur antre, les gardiens du Temps tendent leur cou. Leur progéniture oscille et gambade, se métamorphosant sans cesse en diverses formes inspirées par le flux divin. Ici un chat, là un lapin, là-bas un humanoïde tricéphale, mais tous reviennent sans cesse à leur forme originelle, un long cou caoutchouteux apte à absorber toute information pour mieux servir l’Entité ronde.C’est ainsi qu’au fur et à mesure de leur apprentissage ils apprivoisent les multiples formes vivantes dans l’univers. Épouser les contours, adopter les masques, observer
C’était le grand jour. Lamia se préparait dans la salle de bains. Des volutes de vapeur l’entouraient suite à son bain chaud. Totalement nue, assise sur le rebord de la baignoire, elle grimaçait de douleur. L’épilation à la cire chaude ne se faisait pas sans souffrance à tel point qu’elle aurait eu envie d’injurier le monde entier. Une fois qu’elle se fut assurée que ses jambes avaient la douceur du satin, elle prit sa pince à épiler et apprêta son pubis pour le rendre presque glabre. Elle voulait être parfaite même si Tesla ne verrait pas le moindre centimètre carré de peau.Elle enfila une culotte fendue blanche qui était brodée charmants motifs. Puis elle prit un poignard que lui avait conseillé Cynthia et en ceignit l’étui autour de la jambe gauche