Jade resta un instant immobile, fixant Grayson qui tournait la tête pour cacher l’émotion trop vive dans ses yeux. Le silence s’étira, épais, presque inconfortable.Puis, lentement, elle tendit la main.— Grayson…Il se figea.Sa voix était douce, différente. Plus de sarcasme. Juste… elle.Il se retourna vers elle, hésitant.Jade attrapa doucement sa main. Ses doigts étaient froids, mais la pression qu’elle exerça fut légère… sincère.— Assieds-toi. Juste là.Grayson obéit aussitôt, tirant la chaise plus près du lit. Il ne comprenait pas. Son cœur battait à tout rompre, comme si elle venait de lui tendre un trésor fragile.Jade le regarda longuement, puis posa ses doigts sur sa joue. Grayson, surpris, n’osa même pas respirer.— Tu m’as fait peur, idiot… murmura-t-elle.Un souffle. Un frisson.Elle n’avait pas crié. Pas explosé. Pas frappé.Elle s’était contentée de le toucher. De le regarder comme si, l’espace d’un instant, elle acceptait de baisser la garde.— Je suis encore en colèr
Les premières lueurs du jour filtraient à travers les rideaux de la chambre, caressant doucement les murs blancs de l’hôpital. Le silence régnait encore, paisible, seulement troublé par le léger bip des machines et la respiration lente des deux corps endormis.Jade bougea légèrement, enfouie contre une chaleur familière.Elle ouvrit les yeux lentement, le regard un peu flou, l’esprit encore embrumé. Ce n’est qu’en sentant le poids d’un bras autour d’elle, la cadence rassurante d’un souffle contre sa nuque, qu’elle se redressa doucement.Et là, elle le vit.Grayson.Endormi.Contre elle.Dans ce petit lit trop étroit, il s’était glissé sans bruit, comme s’il avait eu besoin d’être là, comme si la seule chose capable de le calmer était sa présence à elle.Jade le fixa, interdite. Les traits de Grayson semblaient apaisés, presque tendres. Rien à voir avec l’homme autoritaire et possessif de ces derniers jours. Il avait une main posée sur son ventre, protecteur, comme une promesse muette.
Le silence qui régnait dans la voiture était épais, tendu, chargé d’émotions non dites. Grayson n’avait pas quitté Jade des yeux du trajet, inquiet à chaque fois qu’elle se penchait ou grimaçait, même légèrement. Elle, de son côté, restait droite, fière, un peu pâle, mais déterminée à ne pas lui montrer qu’elle était encore un peu faible.Lorsqu’ils arrivèrent à l’hôtel, Jade ouvrit la portière, prête à descendre, mais à peine eut-elle posé un pied à terre que Grayson l’arrêta net.— Ne bouge pas.Elle leva les yeux, intriguée — trop tard. En une seconde, Grayson l’avait soulevée dans ses bras.— GRAYSON ! Qu’est-ce que tu fais ? Pose-moi tout de suite !— Tu es blessée. Tu ne marches pas, trancha-t-il, le ton sans appel.— Je suis très bien ! Et on est dans un hall d’hôtel cinq étoiles, arrête tes bêtises !— Je m’en fous. T’as saigné dans mes bras, Jade. J’ai cru que tu allais mourir. Alors tu vas rester là, contre moi, et tu vas te taire.Elle ouvrit la bouche pour répliquer, mais
Grayson ouvrit la porte de la chambre d’un coup d’épaule, tenant toujours Jade dans ses bras. Elle aurait pu marcher, protester, même s’énerver — mais elle n’en fit rien. Parce que dans ses bras, elle sentait tout. La tension. Le trouble. L’orage de désir qu’il contenait avec une peine monstrueuse.Dès que la porte se referma derrière eux, il la plaqua doucement contre le mur, leurs souffles courts, leurs cœurs affolés.— Tu n’as aucune idée de ce que tu fais, murmura-t-il contre sa peau.— Et toi, tu crois que je n’ai pas envie de te rendre fou ? souffla-t-elle avec insolence.Il la dévora des yeux. Puis l’embrassa. Un baiser vorace. Désespéré. Chargé de colère, de frustration, de passion. Il avait trop attendu, trop lutté. Il ne voulait plus réfléchir.Ses mains glissaient déjà sous le tissu léger de sa robe. Il la fit glisser de ses épaules, lentement, la regardant comme un homme affamé privé trop longtemps. Jade frémit sous son regard.Elle déboutonna sa chemise avec précipitation
Le soleil s’inclinait sur l’horizon. Grayson portait une chemise blanche entrouverte sur une peau dorée et un pantalon noir ajusté qui dessinait ses hanches avec une précision diabolique.Il entra dans la suite avec la démarche d’un prédateur en chasse et il la vit.Jade.Sortant de la salle de bain, portant la robe fluide couleur jade qu’elle venait d’enfiler. Dos nu, fine, épousant chaque courbe, chaque souffle. Sa peau encore humide luisait légèrement. Elle sentait le yuzu et le désir étouffé.Grayson resta figé.— Change de regard, Blackwell, sinon je vais croire que tu baves, lança Jade sans même se retourner.Il ricanait déjà, mais à l’intérieur, il brûlait.— Je pensais simplement que tu n’étais pas humaine, dit-il en s’approchant. Trop... dangereuse pour l’être.Elle pivota lentement vers lui, ses talons claquant sur le sol comme une provocation. Leurs regards se croisèrent, et la tension devint électrique, presque insoutenable.— C’est pas avec ce genre de phrases que tu vas
Après leur passage à Marina Bay Sands, illuminée de mille feux, où Jade avait éclaté de rire en découvrant les jeux de lumière dans l’eau et les danses des fontaines géantes, ils décidèrent de poursuivre leur exploration.— Tu veux vraiment aller au zoo ? marmonna-t-il, lunettes de soleil sur le nez, chemise entrouverte.— Tu m’as dit que c’était des vacances, non ? Alors, tu vas me suivre, Blackwell.Et elle le fit. Elle le tira dans un taxi, riant à gorge déployée, les lunettes de soleil trop grandes glissant de son nez. Grayson n’avait jamais vu Jade comme ça. Libre. Lumineuse. Presque innocente.À l’entrée du Singapore Zoo, Jade resta sans voix.Des allées bordées de palmiers, des senteurs d’orchidées, des cris d’oiseaux exotiques dans l’air moite. Le monde semblait basculer dans un tableau tropical. Ils passèrent devant des enclos naturels : des tigres blancs allongés sous des cascades, des éléphants se baignant à la vue des visiteurs, des girafes venant chercher les feuilles ten
Le trajet du retour se fit dans un silence chargé d’électricité.Grayson fixait la route sans vraiment la voir, ses jointures blanchies sur l’accoudoir. À côté de lui, Jade jouait avec une boucle de ses cheveux, l'air faussement détendu. Mais chacun de ses mouvements était calculé, félin, terriblement féminin.Elle le rendait fou.Le souvenir de ses mots — « T’es le premier homme que j’ai embrassé » — le hantait encore. Il aurait voulu s’arrêter là, sur cette route de nuit bordée de palmiers, l’embrasser encore, la plaquer contre le capot et l’aimer jusqu’à lui faire oublier son propre nom.Mais il s’était contenu. À peine.Quand ils entrèrent dans le hall feutré de l’hôtel, leurs regards se croisèrent à nouveau. Intenses. Inévitables. Il lui prit la main, cette fois sans la lâcher.L’ascenseur les avala.Silence.Jade se rapprocha de lui, si près que leurs épaules se frôlèrent. Grayson ne bougea pas. Il ferma les yeux. Sa mâchoire se crispa. Il la sentait. Son parfum, sa chaleur, la
Jade dormait, roulée contre lui, ses jambes nouées aux siennes, une main abandonnée sur son torse nu. Grayson ne dormait pas. Il l’observait, ses traits détendus, sa respiration calme. Et pourtant, une tempête grondait sous sa peau.Il n’avait jamais ressenti ça.Pas ce besoin, cette envie féroce de la protéger, de la garder contre lui pour toujours. Mais aussi cette peur viscérale de lui faire du mal. Car elle n’était pas comme les autres. Elle n’avait rien à voir avec les femmes de son monde. Jade était lumière. Pureté. Insolence. Fragilité et force mêlées.Et lui… lui n’était que noirceur.Il ferma les yeux.Des images s’imposèrent à son esprit. Des souvenirs. Des plaisirs qu’il avait découverts dans les recoins les plus privés, les plus secrets de clubs élitistes, dans des alcôves où il n’avait jamais laissé entrer d’émotion. Juste le contrôle. Juste la domination. Juste ce pouvoir brut, animal, sur des femmes qui réclamaient sa force.Mais Jade… il n’avait jamais osé l’imaginer a
Le garage résonnait d’un morceau de rock old school. Jade, concentrée, resserrait les boulons d’un moteur à moitié démonté. Mike s’approcha, torse en avant, chiffon à la main.— Tu veux que je te montre une astuce pour desserrer ce vieux truc ? demanda-t-il, un peu trop près.— T’inquiète, je sais le faire. Et si je me loupe, je t’offre un café, lança-t-elle avec un sourire.Mike rit doucement. Il lui prit doucement le poignet pour guider ses gestes. Le contact dura une seconde de trop. Jade le sentit mais ne dit rien, croyant à un geste innocent.Puis le vrombissement rauque d’un moteur de luxe fendit l’air. Une Maserati noire s’arrêta juste devant l’entrée. Les gars du garage levèrent les yeux.— Bordel, souffla l’un d’eux. C’est qui, ça ? Batman ?Mike se redressa d’un coup. Jade tourna la tête et elle le vit.Grayson Blackwell. Costume noir. Ray-Ban sur les yeux. Une aura de tempête.Il sortit de la voiture comme on entre dans une guerre. Lentement. Calculé. Froid. Magnétique.— O
Jade inspira profondément en poussant la porte du Mike’s Garage. L’odeur d’huile moteur, de métal chaud et de gomme brûlée l’enveloppa comme une vieille amie. C’était un parfum qu’elle n’avait jamais cessé d’aimer.— Eh, regardez qui est de retour ! lança Mike, en sortant de sous un capot, les mains noircies de cambouis.Il s’approcha d’elle avec un grand sourire, un torchon sur l’épaule. Il ne lui fit pas de remarque sur ses cernes ou sur son air perdu. Il se contenta de lui ouvrir les bras.— J’avais parié que t’allais revenir, dit-il en l’enlaçant brièvement. T’es une vraie, Jade. Ce garage t’aime bien.— Moi aussi, souffla-t-elle, un sourire discret aux lèvres.Le claquement métallique d’une clé à choc se mêlait à la musique rock diffusée en fond.Jade, en combinaison bleue remontée jusqu’à la taille, bras nus, front couvert de quelques gouttes de sueur, vissait une pièce sous le capot d’une vieille Mustang.— C’est du joli boulot, commenta Mike, accoudé à l’aile de la voiture.Il
Jade avait attendu. Espéré. Prié, même.Mais ce soir, c’en était trop.Elle descendit les marches du grand escalier avec détermination. Elle l’avait entendu rentrer. La porte avait claqué doucement. Ses pas l’avaient guidée vers le bureau. Toujours ce fichu bureau. Comme une forteresse qu’il utilisait pour se barricader derrière ses douleurs et ses silences.Elle frappa une fois. Pas de réponse.Elle entra quand même.Grayson leva à peine les yeux de ses papiers.— J’ai besoin de te parler, dit-elle, d’une voix calme, mais ferme.— Je suis occupé, Jade.— Ça ne prendra pas longtemps, répondit-elle, avançant dans la pièce.Il soupira, referma le dossier devant lui, et s’adossa lentement à son fauteuil. Son regard était froid, distant. Presque méconnaissable.— À Singapour… tu étais différent. Tu étais… toi. Vrai. J’ai cru qu’on construisait quelque chose. Et puis tu as changé. Du jour au lendemain.Elle le regarda, les yeux brillants de douleur.— Qu’est-ce que j’ai fait, Grayson ? Tu
Les premières lueurs de l’aube s’infiltraient à travers les rideaux, dessinant des ombres douces sur les murs. Mais dans la chambre, rien n’avait changé. Le lit était défait, et Jade, recroquevillée sous la couverture, n’avait pas dormi de la nuit.Ses yeux étaient rouges, gonflés. Sa gorge, sèche. Elle avait relu son message une dizaine de fois après l’avoir envoyé. Et puis, plus rien. Pas de réponse. Pas de réaction. Juste ce silence. Écrasant.Elle savait qu’il l’avait lu — les deux petits vu à 2h57 l’avaient trahie. Et pourtant, pas un mot.Un soupir lui échappa. Elle s’assit lentement sur le lit, les épaules basses, les cheveux en bataille. Elle avait l’impression d’être retombée dans un vide qu’elle croyait avoir quitté.Elle avait cru à quelque chose à Singapour. Ils avaient ri, partagé, fait l’amour comme si le monde s’était arrêté. Et tout avait changé… avec un simple appel. Depuis, Grayson était devenu un autre.— Peut-être que j’ai tout inventé, murmura-t-elle pour elle-mêm
L’obscurité régnait, pesante, presque suffocante. La pièce, vaste et silencieuse, ne lui offrait aucun réconfort. Grayson était allongé dans le lit, mais ne trouvait ni le repos ni la paix. Depuis son retour, il n’avait pas fermé l’œil. Il fixait le plafond, immobile, comme si le monde entier s’était arrêté.Il se sentait vidé. Brisé. Et terriblement seul.Le visage de sa sœur n’arrêtait pas de lui revenir. Son rire, ses mains, ses rêves à moitié réalisés. Et puis, ce petit corps, celui de son neveu, qu’il n’avait pas eu le temps de connaître. À peine né, déjà parti. Comme si la vie s’acharnait à lui rappeler une seule chose : n’aime pas. Ne t’attache pas. Tout ce que tu aimes finit par mourir ou s’en aller.C’était la leçon qu’il avait apprise trop tôt. Et trop souvent.Alors quand son téléphone vibra, il n’y prêta pas attention tout de suite. Il pensa que ce n’était qu’une autre alerte, une autre notification vide de sens. Mais quand il vit le prénom s’afficher — Jade — quelque chos
Les yeux rougis, les jambes flageolantes, Jade restait figée devant la porte close de la chambre de Grayson. Sa main tremblait toujours légèrement, suspendue dans le vide, comme si elle espérait encore qu’il ouvrirait. Mais non. Le silence lui répondait, glacial. Tranchant.Elle n’entendit même pas Hattie arriver. Ce fut seulement quand une paire de bras l’enveloppa doucement qu’elle s’effondra.— Oh ma chérie…Les larmes de Jade coulèrent sans retenue. Elle tomba dans les bras de Hattie comme une enfant, incapable de contenir la douleur qui l’étranglait.— Il ne veut plus de moi, sanglota-t-elle. Il m’a dit de dormir dans ma chambre… Il n’a même pas voulu me regarder.Hattie la serra contre elle, frottant doucement son dos.— Viens, allons t’asseoir, murmura-t-elle avec tendresse.Elles descendirent dans le salon, et s’installèrent sur le grand canapé. Hattie posa une couverture sur les épaules de Jade et lui tendit un mouchoir.— Dis-moi ce qu’il s’est passé, ma belle. Depuis le déb
Le silence de l’hôpital était plus insupportable que les cris.Grayson était resté figé là, debout dans le couloir, incapable de bouger. La chambre était vide maintenant. Sa sœur n’y respirait plus. Et le berceau, trop petit, trop blanc, trop froid… était vide lui aussi.Il n’avait rien pu faire. Rien.Il avait assisté à la naissance, vu ce petit corps fragile venir au monde, à peine vivant. Et quelques instants plus tard… la machine avait émis un long bip continu.Il n’avait même pas pleuré. Pas sur le moment.Mais maintenant que tout était fini, que les médecins avaient quitté la pièce, que le silence s'était installé comme une condamnation, quelque chose en lui s’effondra.Il se laissa glisser contre le mur. Ses mains tremblaient. Il avait voulu sauver sa sœur. Il avait promis de s’occuper du bébé. Il avait voulu confier cette vie à Jade, parce qu’il savait qu’elle l’aimerait comme une mère. Parce qu’il avait cru pouvoir créer un avenir dans ce chaos.Mais il n’avait rien pu reteni
Dès qu’elle passa le seuil de la maison, Jade sentit un vide pesant. Le silence. L’absence de Grayson. Elle monta rapidement à l’étage pour déposer son sac, mais n’arriva pas à rester immobile. Son cœur cognait bizarrement dans sa poitrine, comme si quelque chose allait éclater à l’intérieur.Elle aurait pu attendre. Laisser passer quelques heures. Mais elle n’en avait ni la force ni l’envie. Alors, sans réfléchir, elle prit la direction de la maison secondaire, celle où vivait son père depuis quelque temps.Elle frappa doucement à la porte.— Papa ? C’est moi.Quelques secondes plus tard, Graham ouvrit. Il la regarda, surpris. Puis son regard se fit plus attentif, presque inquiet.— Jade… t’es déjà de retour ?— Oui, Grayson a… abrégé notre séjour. On est rentrés ce matin.Il la dévisagea un instant. Quelque chose avait changé. Elle semblait radieuse, mais fragile. Épanouie, et pourtant perdue.— Entre, ma chérie.Ils s’installèrent dans le petit salon, rempli de souvenirs et de meub
Une alarme discrète retentit dans la salle d’opération. Grayson se raidit. De l’autre côté de la vitre, l’équipe médicale s’agitait dans un calme maîtrisé. Des mots techniques s’échangeaient à toute vitesse. Une infirmière s’avança vers lui, lui tendant une blouse stérile.— Venez, Monsieur Blackwell. Vous ne pouvez pas entrer dans la salle, mais nous avons préparé une pièce à côté, avec une fenêtre d’observation directe.Il enfila la blouse sans un mot, sans réfléchir. Ses gestes étaient mécaniques. Il suivit l’infirmière, traversa un petit couloir, et se retrouva dans une pièce blanche, silencieuse, où seule une vitre le séparait de la vie… ou de la mort.Dans la salle d’opération, sa sœur était entourée d’au moins six personnes. Les machines bipaient à intervalles réguliers. Les médecins parlaient bas, concentrés. La tension était presque insoutenable. Et puis soudain, un cri.Pas un cri de douleur.Un cri… de vie.Un hurlement minuscule, déchirant, irréel.Un bébé venait de naître