Kate resta figée, le regard fixé sur la photo posée devant elle. Un détail lui échappait peut-être, une trace, une faille, une mise en scène ? Mais non. Tout semblait trop réel. Trop intime pour être inventé.Les battements de son cœur s'accéléraient. Une douleur sourde lui enserrait la poitrine, comme si on serrait lentement un étau autour de ses côtes.Il ne t’a jamais choisie.Ces mots tournaient en boucle dans sa tête, avec la voix de Monica, si calme, si sûre. Le genre de certitude qu’on ne peut pas feindre.Et puis, la nausée. Un vertige. Elle ferma les yeux. Revoyait Dave. Est ce qu’il avait commencé à lui mentir ? Ou bien n’avait-elle été qu’un interlude depuis le début ?Une larme roula sur sa joue. Elle ne l'essuya pas.Elle n’était pas censée pleurer. Pas elle. Pas après tout ce qu’elle avait traversé. Mais elle n’y arrivait plus. Ce n’était pas la douleur d’une rupture, ni la jalousie — c’était plus vieux, plus profond. Une déchirure primitive. Comme si on lui arrachait que
L’habitacle du jet bourdonnait doucement, enveloppé dans une lumière tamisée. Le ciel, à travers les hublots, était d’un gris laiteux. Kate était assise près du hublot, le regard perdu dans les nuages. À ses côtés, sa mère feuilletait un magazine sans vraiment le lire, jetant de temps à autre un coup d’œil inquiet vers sa fille.Cela faisait presque une heure qu’elles n’avaient échangé aucun mot.— Kate… souffla finalement sa mère, refermant le magazine sur ses genoux. Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?Kate mit un moment avant de répondre. Sa voix, quand elle sortit enfin, était posée. Calme. Mais ferme.— Je vais me reconstruire. Sans lui.La mère hocha lentement la tête, les lèvres pincées.— Dave est maintenant… marié à Monica. Et ils attendent un enfant, ajouta Kate, comme si elle devait se forcer à dire les mots à voix haute pour qu’ils deviennent réels.— Oh, mon cœur… soupira sa mère en posant une main sur la sienne. Tu ne méritais pas ça.— Personne ne mérite ça, maman.
Le vol se poursuivait sans encombre, mais quelque chose n’allait pas.Kate s’était levée pour aller chercher un dossier dans le compartiment supérieur quand une vague de vertige lui coupa les jambes. Elle dut s’agripper à l’accoudoir du fauteuil devant elle pour ne pas s’écrouler.— Kate ?! s’exclama sa mère, alertée par la pâleur soudaine de son visage. Qu’est-ce qu’il y a ? Tu es toute blanche !— Rien… juste un coup de fatigue, murmura Kate, s’asseyant lentement. C’est le contrecoup, ça va passer.Mais sa mère la dévisageait, inquiète.— Tu as les lèvres bleues. Et tu trembles. Kate, on va voir le médecin dès qu’on atterrit.— Maman… non. J’ai juste besoin de dormir un peu, de manger, de…— Non. Je ne te laisse pas rentrer à Redland dans cet état. Pas question. Tu viens avec moi, un point c’est tout.Kate tenta encore de protester, mais sa voix était molle, presque absente. Elle finit par hocher la tête. Trop lasse pour discuter.Quelques heures plus tard, elles étaient assises dan
Kate et sa mère revinrent dans le bureau du Dr Elmans. Kate avançait lentement, les traits figés. Elle tenait le test entre ses doigts comme on porterait une mèche de dynamite.Elle le tendit au médecin sans un mot.Le Dr Elmans baissa les yeux sur le test, observa les deux barres avec un petit sourire de surprise bienveillante.— Eh bien… félicitations, Kate. Vous êtes enceinte.Kate resta figée. Sa mère, elle, s’adossa au mur, encore incapable d’intégrer la nouvelle.— J’aimerais que vous voyiez ma collègue et amie, la docteure Hélène Marcy. Elle est gynécologue-obstétricienne, elle vous fera une échographie pour dater précisément la grossesse. Elle est très douce, très compétente. Je pense que ce serait bien de faire un point rapidement.Il griffonna un nom et une adresse sur un petit papier et le tendit à la mère de Kate.— Je ne veux pas attendre, dit soudain Kate. Maman, appelle-la. S’il te plaît. Demande-lui si elle peut me recevoir maintenant.Sa mère leva les yeux, surprise.
Deux jours après la révélation bouleversante de sa grossesse, Kate entrait de nouveau dans le hall imposant du siège de Redland. Elle portait un tailleur beige clair, souple mais élégant, qui dissimulait encore les premiers signes de sa grossesse. Son sac était un peu plus lourd que d’habitude, rempli de documents médicaux, de vitamines prénatales, et de silences qu’elle n’avait pas encore partagés.Le bruit des talons sur le marbre résonnait comme un écho de retour. C’était ici que tout recommençait.Dans son bureau, l’odeur du cuir et du bois verni lui apporta un étrange réconfort. Mais avant même qu’elle ait eu le temps de s’asseoir, Joy, sa sœur, entra comme une rafale.— T’as fait exprès de ne rien me dire, pas vrai ?! T’es enceinte de TROIS bébés, et je l’apprends par MAMAN au téléphone comme une pauvre cousine éloignée ?!Kate leva les mains, amusée et émue.— Joy, je n’arrivais pas encore à y croire moi-même. J’ai découvert tout ça il y a quarante-huit heures, j’étais…— ... e
Quelques jours plus tard, un dîner intime avait été organisé dans la maison des Kitson. Une grande table était dressée dans la véranda autour, des rires, des verres qui s’entrechoquaient et les effluves chaleureux d’un repas familial.Kate jeta un regard attendri sur ses proches. Son père Yvan, sa mère Eva, posée, bienveillante. Joy, vive et déjà dans les préparatifs. Evan, le petit dernier, insouciant en apparence mais toujours protecteur dans le fond. Et enfin, Ylias Jensen, son père biologique.— Tu as l’air pensive, murmura le père de Kate.Kate releva les yeux et sourit doucement.— Je pense qu’il est temps de leur dire.Sa mère posa immédiatement sa main sur la sienne, Joy hocha la tête avec excitation, déjà au courant depuis leur passage chez la gynécologue. Kate se leva, un peu nerveuse, mais décidée.— J’ai quelque chose à vous dire. Quelque chose d’important.Un silence respectueux s’installa autour de la table. Tous les regards étaient tournés vers elle.— Je suis enceinte.
Les jours qui suivirent furent un tourbillon maîtrisé. Rien n’était laissé au hasard.Ylias Jensen, fidèle à sa réputation de stratège implacable, avait mobilisé une équipe restreinte et ultra-discrète pour préparer le départ de Kate vers un pays dont elle seule, ses parents, Joy, Evan et deux agents de confiance connaîtraient le nom. Ce pays serait désormais désigné simplement par un code : "Delta-9". Un territoire neutre, loin du tumulte, à l’abri des regards… et de Dave.Kate, de son côté, oscillait entre une efficacité de cheffe d’entreprise et des élans de future maman. Son ventre encore discret ne l’entravait pas encore, mais elle sentait déjà en elle une force nouvelle : la puissance calme d’une lionne en éveil.Dans le bureau de Ylias, un plan logistique s’étalait sur la table basse. Trois valises, un vol privé, une nouvelle identité administrative temporaire. Une équipe médicale l’attendrait sur place. Une villa sécurisée avait été aménagée dans un quartier résidentiel discre
L’avion s’était posé doucement à l’aube. Le ciel, encore teinté de rose et d’or, baignait la piste d’un éclat doux, presque irréel. Une légère brume flottait au-dessus du tarmac. Le climat de Delta-9 était plus doux que celui de son pays d’origine, presque méditerranéen. L’air sentait les pins, la mer, et la liberté.Kate descendit lentement les marches du jet, les pieds posés avec prudence sur cette nouvelle terre. Sa longue veste en lin claquait doucement dans la brise du matin. Ses lunettes de soleil masquaient ses yeux encore gonflés par l’émotion du vol. À ses côtés, un garde du corps discret, mais efficace, assurait la sécurité.Un SUV noir l’attendait. À l’intérieur, une femme aux cheveux gris l’accueillit avec un sourire chaleureux. C’était Mara, ancienne officier de sécurité reconvertie en intendante personnelle, envoyée par Ylias pour gérer tous les aspects logistiques de la vie de Kate ici.— Bienvenue à la maison, lui dit-elle simplement.Le trajet vers la villa fut silenc
Le soleil se couchait doucement sur les jardins de la villa, teignant le ciel d’un rose orangé. Les familles, réunies pour un dîner en extérieur, savouraient les derniers instants d’une journée parfaite. Tandis que les bébés dormaient paisiblement à l’étage, bercés par les soins experts de leurs grands-parents, les jeunes mariés profitaient d’un rare moment de calme.Dave, accoudé à la rambarde de la terrasse, sirotait un jus de citron frais, le regard perdu dans l’horizon. À ses côtés, Greg sirotait un soda glacé, les pieds posés sur une chaise vide.Soudain, Dave tourna la tête vers lui, un sourire malicieux au coin des lèvres.— Tu te souviens du pari qu’on avait fait, il y a un an ? Juste après que j’ai rencontré Kate ?Greg haussa un sourcil, l’air intrigué… puis éclata de rire en recrachant presque sa gorgée.— Comment oublier ça ! J’avais parié que tu finirais par tomber fou amoureux d’elle, et que tu l’épouserais !— Et moi j’avais dit que c’était impossible… répondit Dave, fa
Le grand jour était enfin arrivé.Sous un ciel bleu limpide et une brise douce parfumée de jasmin, la grande villa des Hopkins avait été transformée en un jardin de conte de fées. Guirlandes suspendues entre les arbres, pétales de roses jonchant l’allée, arche florale majestueuse… tout semblait tout droit sorti d’un rêve.Mais comme dans tout rêve parfait, il y avait... quelques imprévus.Evan courait partout avec une cravate de travers.— Quelqu’un a vu les chaussures de Greg ?! Mathias a bavé sur mes fichues notes de discours ! Et Christiana vient de faire pipi sur la robe de Joy. CATASTROPHE !Kate sortit de la chambre, rayonnante dans sa robe ivoire. Elle attrapa Evan par les épaules :— Respire. Tout va bien.— Je vais m’évanouir avant vous !Greg arriva au même moment, torse nu, une chaussette sur la tête au lieu du pied.— Je suis prêt ? Non ? Trop de pression. Dave respire comme Dark Vador dans le dressing. Joy pleure parce qu’elle a marché sur sa traîne. Et Mathias veut un bib
La villa de Kate et Dave bourdonnait d’une effervescence douce et joyeuse. Depuis l’annonce de leur double mariage, les familles Kitson, Hopkins, Jensen et Hanson ne parlaient plus que de ça : le grand jour. Ou plutôt... les deux grands jours réunis en un seul.Car oui, l’amour avait frappé fort et d’un coup : Kate et Dave, les âmes reconnectées après mille tempêtes, allaient dire oui... en même temps que Joy et Greg, les cœurs nouveaux, surpris mais sincèrement liés.La première à fondre en larmes en voyant les robes de mariées alignées sur les portants, ce fut Eva, la maman de Kate et Joy.— Mes bébés vont se marier... et le même jour en plus !— Tu veux que je te dise, maman ? lança Joy en souriant. J’ai toujours su qu’on ferait tout ensemble. Même tomber amoureuse au même moment.— On va vous voler la vedette, ajouta Kate en riant, les yeux fixés sur sa sœur.Pendant ce temps, Greg et Dave, eux, testaient leurs costumes devant un miroir géant.— Je crois que j’ai un air de prince
Le lendemain matin, la nouvelle s'était répandue comme une traînée de poudre. Greg et Joy étaient ensemble. Ou, selon les rumeurs des plus enthousiastes : "ils s'aiment comme des fous et élèvent déjà Mathias ensemble dans une villa pleine de fleurs et de biberons."C'était Henry Hopkins qui avait lancé les festivités. Assis avec Eva Kitson sur un banc au jardin, il tapota son téléphone, lut le message de Greg… et explosa de rire :— Mais alors c’est vrai ?! Ma future belle-fille, c’est la petite Joy ? Ha ! J’aurais dû m’en douter !Eva fronça les sourcils avec un sourire en coin.— Qu’est-ce qui te fait rire, Henry ?— Notre Greg est amoureux de de votre Joy, et moi, je trouve ça parfait ! On devrait faire un arbre généalogique en spirale, tiens, ça ira plus vite !Dans le salon de Kate, Yvan Kitson – toujours très sérieux – était en train de lire le journal quand Dave entra, hilare :— Papa Yvan, tu savais que Joy et Greg sont ensemble ?Yvan leva un sourcil, très calme.— Oui. Et j’
Quelques semaines après le procès, la vie reprenait lentement son cours. Dave et Greg avaient un besoin urgent de tourner la page, de construire quelque chose de nouveau – de solide – pour leurs familles respectives. Et cela passait, d’abord, par un nouveau foyer.Dave tomba amoureux d’un domaine immense situé à flanc de colline, une villa de 2000m² avec un jardin luxuriant, une piscine naturelle, une serre, et même une petite forêt en bordure. Lorsqu’il emmena Kate la visiter, elle n’en revenait pas.— Dave… tu es fou ! C’est gigantesque.— Fou de toi, surtout, répondit-il avec un sourire espiègle. Il nous faut de l’espace pour les triplés. Et pour toi. Je veux que tu te sentes libre ici.Kate avait les larmes aux yeux en découvrant la chambre des bébés, déjà décorée. Son cœur battait à tout rompre.De son côté, Greg avait opté pour une villa plus discrète mais pleine de charme, avec un jardin fleuri, des baies vitrées, une terrasse en bois et une chambre spécialement conçue pour Mat
La nuit était tombée à l’Escala. Les rires s’étaient tus, les berceaux bercés, les familles reparties. Le calme régnait enfin, un calme doux et feutré, comme si le monde entier retenait son souffle pour ne pas déranger ce moment.Dans la chambre principale devenue leur cocon, Dave et Kate étaient enfin seuls. Les triplés dormaient à quelques mètres d’eux, paisibles. Leurs petits soupirs étaient les seuls sons qui brisaient le silence.Kate, encore vêtue d’une robe légère, se tenait debout face à la fenêtre, contemplant le jardin nocturne. Dave, adossé au chambranle de la porte, la regardait en silence. Il n’y avait plus Monica, plus de poison, plus de secrets — juste elle et lui. Et le poids insupportable de toutes ces mois à se désirer sans se retrouver.— Tu comptes rester là toute la nuit ? demanda Kate d’un ton doux mais chargé de sous-entendus.Dave sourit. Ce sourire. Celui qu’elle avait aimé dès le premier jour.— Je n’ose pas m’approcher. Tu es… comme un mirage.Kate se retourn
La nouvelle de la naissance de Mathias Hanson s’était répandue aussi vite qu’un éclair dans un ciel d’été. À peine quelques heures après l’accouchement, la salle de repos de la maternité était remplie de visages rayonnants, curieux, parfois émus jusqu’aux larmes.Greg, blême de fatigue mais souriant jusqu’aux oreilles, tenait son fils dans ses bras avec la maladresse d’un homme qui apprend encore à respirer en même temps que son bébé.— Il est là… souffla-t-il, les yeux brillants, en voyant les premiers invités arriver.La grand-mère de Greg, une dame élégante au regard perçant, entra en tête du petit groupe, suivie des parents de Greg et de sa sœur Johanne. Tous s'arrêtèrent en le voyant.— Greg… mon dieu… c’est ton fils ? souffla sa mère, les larmes aux yeux.— Oui, maman. Je vous présente Mathias.Sa grand-mère, d’ordinaire un roc d’austérité, dut sortir un mouchoir. Son père s’éclaircit bruyamment la gorge pour contenir l’émotion, tandis que Johanne fondait carrément en larmes.—
Le van noir fonça jusqu’à l’hôpital à une vitesse qui aurait fait pâlir un pilote de Formule 1. Dave klaxonnait à chaque virage.— Dave ! Tu vas nous tuer !— T’as crié « elle accouche » ! C’est soit ça, soit tu coupes le cordon toi-même dans le salon, Greg !Ils freinèrent net devant les urgences maternité, Greg sauta hors de la voiture... et se tordit la cheville en atterrissant.— Aïe ! Aïe ! Je suis foutu ! J’arriverai jamais !Dave, hilare, le soutint sous l’épaule.— Allez papounet, debout ! Si t’es pas là pour couper le cordon, c’est moi qui le fais, et je te promets que je le ferai avec les dents.Greg hurla un "NOOONNNNNN", qui fit se retourner toute la salle d’attente.Une infirmière, alertée, accourut.— Vous êtes monsieur Greg ? Vite, suivez-moi, elle est en salle de naissance, vous avez juste le temps d’enfiler la blouse !Greg attrapa la blouse, se trompa de sens, s’emmêla dedans, manqua de tomber sur un brancard, puis… enfin, entra.Monica était pâle, en sueur, exténuée
La douleur frappa Monica comme un éclair dans la colonne. Brutale. Sèche. Elle tomba à genoux sur le sol glacé de sa cellule. Ses cris résonnèrent dans les couloirs bétonnés de l’aile d’isolement.— Aaaahhh… oh mon Dieu… AAHHH !Le gardien accourut, alerté par l’alarme déclenchée dans la cellule.— Elle perd les eaux ! URGENCE MÉDICALE !Monica, haletante, transpirante, hurla :— Appelez Greg ! Je veux Greg ! Appelez-le maintenant !Deux gardes la hissèrent sur une civière, sous le regard figé d’une infirmière carcérale. Monica agrippa l’un d’eux par le col, les yeux fous :— Appelez Greg, je vous en supplie ! Dites-lui que je… que je vais accoucher !Son regard n’avait plus rien de froid ou stratégique. Il n’y avait plus de manipulation. Plus de contrôle. Juste une femme terrifiée par l’inconnu, acculée par la douleur, le ventre en feu, un bébé prêt à naître dans un monde qui la rejetait.— Hôpital central, maternité haute sécurité ! hurla l’un des gardes dans son talkie.— Prévenez