5

— Eh bien, je ne suis qu'en partie métamorphe, répondis-je automatiquement et dès que les mots eurent quitté ma bouche, je regrettai de les avoir prononcés. Je n'étais pas prête à révéler cette partie encore, mais nous y voilà.

Merde.

— Hein ? demanda-t-elle, me donnant une chance de m'en sortir. Tu sens complètement le métamorphe pour moi.

Je reniflai rapidement mes aisselles. — Ah bon ? Eh bien, je vais juste entrer dans ma douche spa avec les six pommes de douche et le gel douche de boutique pour arranger ça pour toi.

— Va te faire foutre. Tu sais ce que je veux dire...

Ouf. J'ai échappé à cette balle.

— Euh... mec, continua-t-elle après une minute. Tu ne m'as même pas dit ton nom. Comment on peut être amis si je ne connais pas ton nom ?

Je me retournai brusquement vers elle. — Attends, on est amis ? C'est comme ça que tu parles à tes amis ?

Sammy haussa les épaules et resserra son chignon graisseux. — C'est comme ça qu'on parle aux amis dans un donjon quand c'est chacun pour soi. Je pourrais me retourner contre toi à tout moment. Mais si je le fais, j'aimerais quand même connaître ton nom.

Elle n'avait pas tort. Les amis de donjon n'étaient pas vraiment des amis, mais peu importe.

— Je m'appelle Eliza.

Elle fit un son et sembla approuver le choix du nom. Tu sais, comme si elle avait son mot à dire.

— De quelle meute es-tu ?

J'y réfléchis mais décidai de lui dire. J'étais déjà dans un putain de donjon dans le sous-sol du château du Roi Vampire. Que pourrait-il m'arriver de plus si je disais de quelle meute je venais ? — Ombres Vengeresses. C'est une petite meute. Et toi ?

— Lune Noire. Merde, je suis surprise de m'en souvenir encore. Je suis ici depuis si longtemps. Et ouais, tout le monde a entendu parler des Ombres Vengeresses. Le fils de l'Alpha s'appelait Hutch, non ? Il venait dans notre meute et revendiquait son rang pour pouvoir baiser toutes les femelles qu'il voulait. Il disait que son père ne le savait pas et que si on le disait, il nous tuerait tous. On a réussi à connaître ce destin sans lui.

Ç'aurait été une histoire triste si ma louve ne s'était pas redressée de toute sa rage à la mention du nom de celui qui aurait dû être son compagnon.

— Hum, Hutch en a bien profité. Ce serait bien si ma louve s'en souvenait. Ce mec était un connard. On a échappé à une balle.

De nulle part, alors que je tirais encore sur les barreaux, Sammy se redressa et marcha vers moi. — Attends une putain de minute. Es-tu Eliza ? La demi-race avec la mère vampire ? La princesse vampire ?

Merde. Et dire que je pensais m'en être tirée.

— Ouais, c'est moi, marmonnai-je, retournant à ma tentative d'évasion inutile. Ça me sert à que dalle maintenant.

— Oh mes Dieux ! Sammy commença à sautiller sur la pointe des pieds et à applaudir. C'est vraiment toi !

Je plissai les yeux vers elle. Pourquoi réagissait-elle soudainement à moi comme si j'étais une star de K-pop ?

— Mec, calme-toi. Je suis juste une prisonnière comme toi.

— Tu te fous de ma gueule. Je connais ton histoire. Tu as des pouvoirs, non ? Pourquoi tu tires sur ces barreaux et tu supportes les conneries d'Hector ? OK, maintenant on a de l'espoir. On peut sortir d'ici. Avec ce que je sais et ce que tu es, on peut totalement se casser de ce putain d'endroit.

Elle est passée de prisonnière pathétique à évadée plutôt rapidement.

— Tu veux dire sortir d'ici ? Oh, maintenant tout d'un coup tu veux m'aider à sortir ?

Elle mit ses mains sur ses hanches. — Ouais ! Tu n'es pas juste une métamorphe. Tu es comme le mythe, la légende. Tu es genre toute-puissante ou un truc du genre.

Je la fixai simplement. Un mythe ? Comment pouvais-je être un mythe ou une légende si je ne savais même pas qui j'étais. Quelque chose ne collait pas ici. À moins que les gardes n'en aient parlé. Elle était ici depuis assez longtemps pour que ça ait du sens.

Je levai les yeux au ciel. Une minute cette salope me détestait, la suivante nous étions amies, et maintenant elle était en mode fan.

— Je ne sais rien des pouvoirs magiques ou de ce que je peux faire, dis-je, mais elle s'en fichait.

— Peu importe. On a une chance maintenant. On va faire un putain de plan.

CINQ

Quelque chose rampait le long de ma putain de jambe. Dieux, cet endroit était tellement dégueu que je n'étais pas vraiment surprise qu'une créature se serve de moi comme terrain de jeu, mais grimper sur ma jambe pendant que je dormais, c'était n'importe quoi.

— Dégage de là, bordel ! ai-je grogné en essayant de chasser le rongeur ou l'insecte, peu importe ce que c'était. Mais quand je l'ai fait, au lieu de sentir un corps sans os ou une queue, j'ai trouvé des doigts chauds. Dans un mouvement flou, je me suis redressée et j'ai hurlé.

Ce n'était pas Hector, ça j'en étais sûre. Ses mains étaient moites et froides, comme si on était touché par une sculpture de glace.

— C'est quoi ce bordel ? ai-je crié à nouveau, en poussant contre une ombre à peine visible dans l'obscurité.

— J'ai attendu toute ma foutue vie pour ça, toute ma vie pour toi et maintenant te voilà, tu es venue de ton plein gré. Comme c'est pratique. Je connaissais cette voix. Mon ancien Alpha. Comme si je n'étais pas déjà assez dégoûtée.

Rampant en arrière comme un crabe jusqu'à ce que mon dos heurte le mur de béton, j'ai étouffé tous les mots qui essayaient de sortir. Je connaissais cette voix comme le dos de ma main. La voix qui avait hanté mes rêves d'enfant. Même maintenant, je pouvais sentir ses mains se resserrer autour de mon cou, m'étouffant avec un fragment de souvenir.

Mais je n'étais plus cette fille. Il n'était plus l'Alpha, c'était moi. Il n'avait même plus de meute à diriger. Il était ici, dans le domaine du Roi Vampire, comme la petite salope qu'il avait toujours été.

— Eh bien, tu peux continuer à attendre, espèce de ver de terre. Je lui ai donné un coup de pied, espérant toucher un testicule vu qu'il était accroupi à quatre pattes devant moi comme s'il allait bondir.

— Non, j'ai assez attendu. Je t'ai observée toutes ces années, attendant que tu sois mienne, attendant que tu sois assez âgée pour me recevoir et maintenant l'attente est terminée.

Je me suis levée et j'ai pressé mes mains contre le mur. De ce point de vue, il ne planait plus au-dessus de moi, ressemblant à un lion sur le point d'abattre sa proie. Que dalle. J'avais peut-être été une proie pendant la majeure partie de ma vie, mais ces jours-là étaient bel et bien terminés.

Donnant un autre coup de pied, je l'ai entendu grogner mais ça ne l'a pas empêché de s'approcher en rampant. Je l'ai regardé se dresser de toute sa hauteur, au moins trente centimètres de plus que moi, et ricaner. — Si fougueuse et forte, c'est ce que j'ai toujours aimé chez toi. Peu importe la punition que je t'infligeais, tu étais prête à l'encaisser, avec des commentaires insolents sur ces putain de lèvres boudeuses. Je m'asseyais dans mon bureau et je te regardais dans les champs, te pencher, toujours à travailler dur, essuyant la sueur de ton front pendant que je me branlais sur ma chaise, imaginant que tu venais dans mon bureau, te déshabillant et t'offrant à moi.

Oh. Mon. Dieu. Ce type était pire que tout ce que j'avais pu imaginer. Non seulement c'était un tyran et un pervers, mais c'était aussi une sorte de pédophile en puissance.

— Tu es dégoûtant.

Il a ri, son rire grave emplissant l'air autour de moi et tirant sur mon âme. — C'est drôle que tu dises ça, tu m'appelais toujours comme ça dans mes fantasmes. Mais tu vas être plus que mon jouet. Je vais faire de toi ma compagne même si je dois te prendre de force. Tu vas ouvrir ta veine et me laisser boire ton sang. Avec nos pouvoirs combinés, nous pourrons diriger ce monde. Nous pourrons tout conquérir.

J'ai eu des hauts-le-cœur si violents que j'étais sûre que mon estomac était remonté dans ma gorge. Il continuait à s'approcher.

L'ancien Alpha était foutu, et pas de la manière dont il l'espérait. Il ne savait pas à qui il avait affaire.

— Pourquoi tu n'irais pas te faire foutre et retourner lécher le cul du Roi Vampire ? Comme ça, tout le monde sera content.

Il s'est précipité sur moi aussi vite que son poids le lui permettait et avant que je puisse penser à une défense, il avait levé mes mains au-dessus de ma tête et plaqué mes poignets contre les barreaux d'acier autour de nous. La douleur a transpercé mes bras. J'étais coincée, ses hanches et son bassin s'enfonçant dans les miens et forçant mon cul contre les barreaux. Ce n'était pas que je n'étais pas habituée à sa dureté ou à ce qu'il la force contre moi, mais je n'étais plus une enfant. Il avait l'intention de me prendre ce qu'il avait visiblement toujours voulu.

Je n'allais pas le laisser faire.

— Ouais, c'est fini. Je l'ai repoussé, toute ma force le percutant et le projetant en arrière.

J'ai hurlé, cette même sensation électrique qu'avant me parcourant. J'ai tiré, espérant que tout ce grondement électrique reviendrait et le frapperait comme il l'avait fait avec Hector.

Ce qui s'est passé était encore mieux.

Du feu a explosé de moi, pas seulement de mes mains, mais de tout mon être.

Une boule de feu s'est arrachée de moi et l'a percuté, le projetant à travers la prison contre les barreaux dans un grand bruit. Des étincelles ont volé partout tandis que la boule de feu qu'était devenu l'Alpha se tordait et hurlait.

Les flammes l'ont englouti alors qu'il courait partout comme un cascadeur sur un plateau de cinéma avant de heurter à nouveau les barreaux et de s'effondrer au sol.

SIX

— Merde alors ! s'exclama Sammy en secouant les barreaux et en poussant des cris. J'ouvris la bouche pour la faire taire, mais je réalisai que c'était inutile. L'Alpha, ou plutôt l'ancien Alpha, avait fait tellement de bruit pendant que je le réduisais en cendres que j'étais certaine que tout le monde avait été alerté.

— Putain, je l'ai tué, dis-je d'un ton neutre. Après tout ce temps, j'étais persuadée que je ressentirais une pointe de satisfaction en tuant l'homme qui avait fait de ma vie un enfer, mais au lieu de cela, l'acte me semblait vide de sens.

Ce n'était pas du tout comme ça que j'avais imaginé ma vengeance.

— Putain ouais, tu l'as tué. Comment t'as fait ? Tu l'as électrocuté ? Tu lui as arrêté le cœur ? J'ai juré voir quelque chose sortir de ta main.

Je regardai mes mains, puis mon ventre d'où j'étais sûre que la boule de feu était sortie. Il n'y avait pas la moindre trace.

— Ouais, je... je..., bégayai-je, ne sachant pour une fois pas quoi dire.

Si seulement mes compagnons étaient là pour voir ça. Titus serait probablement jaloux. Le corps de l'Alpha gisait toujours sur le sol et je lui donnai un coup de pied, sentant certaines de mes peurs d'enfance remonter à la surface malgré sa mort, alors que son corps se refroidissait à vue d'œil. Dans un acte de pure survie, je m'agenouillai à côté de son corps inerte et le fouillai. Je trouvai immédiatement un petit canif dans une de ses poches. Je grimaçai en plongeant ma main dans son pantalon pour le récupérer. L'une des torches sur le mur fit briller quelque chose de l'autre côté de sa taille. Un trousseau de clés. Quelle chance incroyable. J'avais tué l'un de mes ennemis et il m'avait accidentellement donné les clés pour sortir d'ici. Les vraies clés pour quitter cet endroit.

— Merde ! Ils arrivent. C'est lui.

La voix de Sammy devint enfantine alors qu'elle poussait des cris stridents de son côté de la prison. Mes oreilles perçurent les bruits de pas qui se rapprochaient à chaque seconde. Je ne savais pas ce qu'Hector ou les gardes me feraient pour avoir tué mon ennemi juré, mais j'étais prête à encaisser ce qu'ils me réserveraient, ne serait-ce que pour avoir une chance de sortir d'ici une fois qu'ils seraient partis.

J'avais maintenant des clés. Des clés, un canif et de l'électricité dans les veines. De quoi d'autre une fille avait-elle besoin ?

Bon, à part de la nourriture et des douches chaudes. Je prendrais ça aussi, mais vous voyez l'idée.

Je fixai droit devant moi en entendant la serrure s'ouvrir. D'un coup, mes sens captèrent l'odeur âcre et piquante d'Hector, un mélange de sang séché et d'ancien. Il portait un costume propre ce matin, mais le regard sévère qu'il me lançait était tout sauf propre et pur.

Je frissonnai. Maintenant, j'avais vraiment besoin de cette douche chaude.

— Qu'as-tu fait ? Il jeta un regard noir au corps de l'Alpha avant de se précipiter vers moi, cherchant à attraper mon cou. Non, je connaissais cette technique. Il adorait agripper les gens par le cou, mais je ne tomberais pas dans le panneau cette fois. J'esquivai sa prise et me déplaçai de l'autre côté de la cellule.

— Il est entré ici pour essayer de me violer, alors je l'ai tué. Ça ressemble à quoi d'après toi ?

Ce n'était peut-être pas le meilleur moment pour mon insolence, mais j'en avais assez de cette zone de danger sombre et suintante.

— Ton Alpha était l'un de mes alliés. Il était ici dans un but précis. Je ne voulais vraiment pas savoir quel était ce but. Surtout avec la façon dont ce type me fusillait du regard.

Je me redressai, bombant le torse et carrant les épaules. Je me fichais de ce qu'Hector pourrait me faire à ce moment-là. Même la mort serait en quelque sorte un moyen de sortir d'ici.

— Je m'en fiche. Personne ne me baise sans mon consentement. Je sais que toi et ce type n'avez probablement jamais entendu le mot non, mais il était temps qu'il l'apprenne.

Ou qu'il meure.