Éléonore— Pas exactement. Il hésite, cherchant ses mots. C’est comme s’il s’était effacé, mais qu’une partie de lui subsistait quelque part, enfouie.Mon esprit s’emballe. Une présence qui refuse de disparaître… Cela signifie une seule chose :— Le lien n’est pas complètement brisé.Andréas me regarde, grave.— Et tu sais comment le rompre définitivement, pas vrai ?Je ferme les yeux un instant.Puis j’acquiesce lentement.— Il faut remonter à l’origine de la malédiction.Les Origines OubliéesLe vieux grimoire est posé sur la table devant nous, sa couverture usée par le temps. Je le feuillette rapidement, les pages craquant sous mes doigts. Les réponses sont là, quelque part.— Tout a commencé ici, à Valmeray, dis-je à voix haute. Il y a trois siècles.Andréas se penche légèrement vers moi.— Raconte-moi.Je prends une inspiration et lis à haute voix :— « En l’an 1683, une sorcière et un seigneur firent un pacte interdit, liant leurs âmes à jamais. Mais ce lien fut souillé par la t
ÉléonoreEt soudain, une silhouette surgit de l’ombre.Un homme aux traits familiers.Un homme que nous pensions disparu.Edwin.Mais quelque chose ne va pas.Ses yeux sont noirs comme la nuit, et un sourire cruel étire ses lèvres.— Vous avez voulu me chasser, dit-il d’une voix déformée. Mais je suis toujours là. Et cette fois… c’est moi qui mène la danse.Le sol tremble sous nos pieds.Et une lumière écarlate jaillit autour de lui.Le monde autour de nous semble vaciller. La lumière écarlate qui entoure Edwin pulse comme un cœur battant, projetant des ombres mouvantes sur les murs du manoir. Andréas se tend à mes côtés, prêt à réagir, mais je sens dans son immobilité qu’il est aussi troublé que moi.Edwin n’est plus l’homme que nous connaissions. Quelque chose d’ancien, d’insondable, s’est emparé de lui. Ses yeux, autrefois emplis de défi, ne sont plus qu’un abîme sans fond, avalant toute lumière.— Tu n’es pas réel, soufflé-je, plus pour moi-même que pour lui.Il penche la tête, un
AndréasLe manoir de Valmeray semble respirer d’une manière différente cette nuit. L’air est plus lourd, comme si les murs eux-mêmes retenaient leur souffle, témoins silencieux de l’ultimatum posé par Edwin.Éléonore se tient près de moi, son visage marqué par la tension et l’incertitude. Son regard oscille entre Edwin et moi, comme si elle tentait de sonder lequel de nous deux cédera en premier.Je ne peux pas accepter cette solution. Pas sans explorer chaque alternative possible.— Nous devons comprendre l’origine exacte du pacte, dis-je d’un ton ferme. Si nous voulons le briser sans sacrifier qui que ce soit, nous devons remonter à la source.Edwin nous observe, les bras croisés, son expression indéchiffrable.— Tu es bien optimiste, murmure-t-il. Mais soit. Cherchons la vérité. Nous verrons si ton idéalisme résistera à la réalité.Il claque des doigts.La pièce tremble légèrement, et soudain, les murs semblent se dilater. Une brume épaisse se répand sur le sol, et des silhouettes
AndréasLa tension dans la pièce est palpable. L'air lourd d'angoisse, je sens les regards d'Éléonore et d'Edwin posés sur moi. Chacun d'eux attend une réponse, une idée qui nous guidera vers une solution. Mais comment briser une malédiction qui semble invincible, forgée dans les tréfonds de la magie ancienne ?Je ne suis pas sûr de pouvoir trouver une réponse, mais je suis déterminé à essayer.— Il y a un chemin… commence-je, plus pour moi-même que pour eux. Un chemin que la plupart des gens ignorent. Mais il n'est pas sans danger.Éléonore me regarde, ses yeux emplis d'espoir mêlé d'inquiétude.— Quel chemin ?Je la fixe un instant, prenant le temps de réfléchir. La solution qui me vient en tête est risquée, et surtout… Elle implique de faire face à des forces que même les sorciers les plus puissants redoutent.— Le Pacte Original a été écrit dans le Sang. Mais le véritable pouvoir… Je m'arrête, cherchant les bons mots. Le véritable pouvoir réside dans ce qui n'a jamais été dit. Les
ÉléonoreLa nuit est tombée sans que je m'en aperçoive. Nous avons tous préparé nos affaires en silence, chacun enfermé dans ses pensées. La tension qui nous entoure est presque palpable, une brume d'incertitude qui s'est installée dans l'air. Andréas a tout organisé. Mais moi… je ne peux m’empêcher de m'interroger.Si nous échouons, que deviendrons-nous ?Je m'approche du bord du lac où la surface noire miroite sous la lumière de la lune. Le vent frais souffle sur ma peau, et je sens mes muscles tendus par la nervosité. Ce voyage… il n’est pas comme les autres. Il n’y a pas de retour. Si nous plongeons dans les Ombres, il se pourrait que tout ce que nous connaissions ne soit plus qu’un lointain souvenir.— Éléonore. La voix d'Andréas me tire de mes pensées.Je me retourne lentement, trouvant son regard sombre et déterminé. Ses yeux semblent plus profonds ce soir, comme s'il portait en lui le poids de mille années.— Es-tu prête ?Je hoche la tête, mais dans mon cœur, l'incertitude pe
ÉléonoreLa lumière s'est dissipée aussi soudainement qu'elle est apparue, me plongeant dans une obscurité totale. Mon cœur bat plus fort, chaque pulsation résonnant dans mon crâne. La brume, froide et épaisse, m'enveloppe comme un voile glacé, rendant chaque mouvement difficile, chaque respiration laborieuse.Je tends les mains devant moi, cherchant à retrouver une quelconque forme de repère, mais tout est flou, indéfini, comme si les contours du monde avaient été effacés. Le sol sous mes pieds est dur, presque rocheux, et l'air est chargé d'une étrange lourdeur, un poids invisible qui écrase ma poitrine.— Andréas ? Edwin ? Ma voix se perd dans l'immensité du silence. Aucune réponse. Pas un souffle. Pas un bruit.Je tente de faire quelques pas, mais la sensation d'être seule, totalement seule, me frappe brutalement. Une angoisse sourde s'empare de moi. Si cette expérience m'avait semblé théorique, un mythe raconté au coin du feu, maintenant elle devient trop réelle. Trop tangible.U
ÉléonoreLa silhouette devant nous s’avance, un pas après l’autre, ses yeux brillants d’une lumière morne et hypnotique. Chaque mouvement qu’elle fait est gracieux, presque irréel, comme si elle n’était qu’une manifestation de l’ombre elle-même, flottant entre les dimensions. Le voile de brume qui l’entoure semble se tordre autour d’elle comme une mer calme avant la tempête.Je suis figée sur place, incapable de bouger. L’air est lourd autour de moi, trop lourd. Ma gorge se serre. Andréas, de son côté, semble tout aussi troublé. Il se tient légèrement en arrière, observant cette entité avec une intensité silencieuse qui trahit ses propres tourments.— Tu as franchi le seuil de la vérité, Éléonore. La voix de la silhouette est profonde et veloutée, remplie d’une sagesse sombre, presque infinie. Chaque mot qu’elle prononce semble résonner dans mon esprit, écho d’un mystère trop grand pour que je puisse le comprendre.Je tente de trouver ma voix, mais elle semble coincée dans ma poitrine
ÉléonoreL’obscurité autour de moi semble se resserrer, comme si la silhouette s’était fondue dans l’air lui-même, imprégnant chaque parcelle de l’espace. Mon souffle est devenu plus lourd, plus rapide, comme si chaque particule d’air était un fardeau de plus que je dois porter. La proposition de la silhouette m’agite. Chaque mot qu’elle a prononcé résonne dans mon esprit, créant une cacophonie de doutes et de peurs.Je tourne lentement la tête vers Andréas, mes yeux cherchant une réponse en lui, une direction, une aide. Il est là, solide, ancré dans le monde réel. Son regard est sombre, mais il y a une lueur de compréhension dans ses yeux. Il sait ce que cette épreuve signifie. Il sait que tout ce que nous avons vécu jusqu’ici, toute la souffrance, toute la recherche de vérité, nous a conduits ici. À ce moment précis, où le monde semble se diviser en deux.Il s’avance lentement vers moi, ses pas lourds comme s’il portait le poids d’une décision qu’il n’avait jamais voulu prendre. Je
ÉléonoreLe monde s’est tu. Plus de cris, plus de bataille, plus de peur. Juste le silence paisible d’un matin naissant, baigné d’une lumière douce et dorée. Je laisse mes yeux dériver sur l’horizon, savourant la quiétude après tant d’épreuves.Mais plus que le paysage, c’est lui que je ressens. Son souffle contre ma peau, son cœur battant sous ma paume, sa chaleur qui m’entoure comme un bouclier invincible.Andréas me serre contre lui, son étreinte forte et apaisante. Son menton repose sur le sommet de ma tête, et je ferme les yeux, laissant mon corps se détendre complètement. Plus besoin de lutter. Plus besoin de fuir. Nous sommes là, ensemble, et c’est tout ce qui compte.— Je n’aurais jamais cru connaître un instant comme celui-ci, murmure-t-il contre mes cheveux.Sa voix est rauque, fatiguée, mais remplie d’une tendresse infinie.Je lève la tête vers lui, ancrant mon regard au sien. Il y a tant de choses que je pourrais dire, mais à quoi bon ? Il sait déjà. Il a toujours su.Je t
ÉléonoreL’aube étire ses premiers rayons sur les ruines encore fumantes du champ de bataille. Le silence n’est plus celui de la fin, mais celui d’un commencement. Les survivants se relèvent, se cherchent, se retrouvent. Et moi, je reste là, ancrée dans le regard d’Andréas.Il ne dit rien. Je ne dis rien non plus. Nos âmes parlent pour nous, dans ce langage silencieux que seuls ceux qui ont traversé l’enfer peuvent comprendre. Ses yeux, d’un bleu profond, me transpercent, cherchant en moi quelque chose que je suis enfin prête à lui donner.Lui.Moi.Nous.Il avance d’un pas. Son souffle se mélange au mien. Ses doigts frôlent ma joue, hésitants, comme s’il craignait encore que tout cela ne soit qu’un mirage, une illusion née du combat et de la douleur. Mais je ne suis pas une illusion. Je suis là. Vivante. Prête.Alors, c’est moi qui brise la distance. Mes mains s’accrochent à lui, à cette présence qui a été mon ancre dans la tempête. Il ne recule pas. Il m’accueille, il me retient. Et
ÉléonoreJe sens les battements précipités de mon cœur résonner contre ma cage thoracique. Mon corps tremble sous le poids de l’épuisement, de l’adrénaline retombée, de la douleur qui commence à s’ancrer dans chaque fibre de mon être.Andréas me tient fermement, comme s’il craignait que je disparaisse à mon tour, emportée par les cendres encore tièdes de ce combat. Son souffle est erratique, et lorsqu’il me serre un peu plus contre lui, je ressens toute la tension qui l’a habité, toute l’angoisse qu’il a contenue.— Tu es là, souffle-t-il, comme pour se convaincre. Tu es vivante.Je hoche faiblement la tête contre son épaule, incapable de formuler une réponse. Une vague de chaleur me traverse, non pas de mon pouvoir, mais de lui. Il est ma certitude, mon ancre, celui qui m’a toujours vue telle que je suis, même lorsque je doutais.Mais tandis que mes yeux se perdent dans le ciel, un frisson parcourt mon échine. La nuit est encore lourde, l’air chargé d’un silence pesant. La victoire a
ÉléonoreLe vent hurle autour de nous, emportant avec lui des volutes de poussière et de cendres.Le ciel, chargé de nuages noirs, semble retenir son souffle.Face à moi, Gauvain se tient droit, son corps frémissant d’énergie obscure.Son regard d’acier croise le mien, et je ressens l’ombre qui palpite autour de lui, prête à fondre sur moi à la moindre ouverture.— Tu crois pouvoir me vaincre, Éléonore ? murmure-t-il, un sourire narquois étirant ses lèvres. Tu n’es qu’une enfant jouant avec un feu qui la consumera.Je ne réponds pas.Les mots ne servent plus à rien.Ce combat est la dernière étape.Celle qui décidera du destin des âmes enchaînées à cette malédiction.Celle qui scellera mon propre sort.Les Ombres DéchaînéesGauvain attaque le premier.D’un geste, il invoque un torrent d’ombres qui s’élève autour de lui, déferlant vers moi comme une vague prête à m’engloutir.Je n’ai pas le temps de réfléchir.J’agis.Mon corps bouge avec une rapidité que je ne me connaissais pas, port
ÉléonoreDerrière moi, Andréas retient son souffle.— Ne le sous-estime pas, Éléonore, murmure-t-il.Comme si c’était possible.Je serre les poings, invoquant la magie qui pulse dans mes veines.Si je dois me battre, alors ce sera sans retenue.Je refuse d’être brisée.Pas par lui. Pas par eux.L’Attaque FoudroyanteGauvain ne me laisse pas le temps d’agir.Il tend la main, et une colonne d’ombre fuse vers moi.Je l’évite de justesse en me jetant sur le côté, sentant l’air vibrer sous l’impact.Le sol se crevasse là où j’étais quelques secondes plus tôt.— Pas mal, murmure-t-il. Mais pas suffisant.Il disparaît.Non, il se fond dans l’ombre.Mon cœur bondit.Je me retourne juste à temps pour voir sa silhouette réapparaître derrière moi.Trop tard.Il me frappe de plein fouet, un choc brutal qui m’envoie rouler sur le sol.La douleur explose dans mon corps.Je me redresse en grimaçant, le goût du sang dans ma bouche.Gauvain m’observe, le regard indéchiffrable.— Tu es lente.Je serre
ÉléonoreNous ne faisons que quelques pas avant que la porte du manoir ne s’ouvre brusquement.Ils sont là.Tous les Anciens.Le Conseil.Le poids de leurs regards me cloue sur place.Léandre s’avance le premier, son visage fermé, plus grave que jamais.— Éléonore Valmeray, annonce-t-il d’une voix qui fait frissonner l’air autour de nous.— Nous devons parler.Je n’ai pas le choix.Je le savais déjà.Un jugement sans appelLa salle est glaciale.Les chandeliers projettent des ombres mouvantes sur les murs de pierre, rendant l’atmosphère encore plus oppressante.Je me tiens droite face à eux, Andréas légèrement en retrait, prêt à intervenir à la moindre menace.Léandre me fixe longuement avant de prendre la parole.— Nous avons ressenti ce qui s’est passé.Un murmure parcourt l’assemblée.— Tu as touché à ce qui n’aurait jamais dû être réveillé.Je ne détourne pas le regard.— Je l’ai fait pour comprendre.Un silence.Puis un rire amer s’élève.— Comprendre ? répète une femme aux cheve
AndréasLa lumière nous engloutit, brûlante et aveuglante.Mon instinct me hurle de courir vers Éléonore, de la protéger, mais la force qui émane d’elle est insondable. Le vent se lève dans la salle du sanctuaire, soulevant la poussière et les cendres des siècles passés. Les symboles gravés sur les murs vibrent d’une lueur surnaturelle, pulsant au rythme du cœur d’Éléonore.Et puis, tout s’arrête.Un silence funèbre.Elle est là, debout, ses cheveux flottant comme s’ils étaient portés par une brise invisible. Ses yeux ont changé. Plus brillants, plus intenses. Une aura dorée danse autour d’elle, entrelacée d’ombres mouvantes.Elle a fait son choix.Mais lequel ?— Éléonore…Je tends la main vers elle, mais un frisson me traverse quand elle pose son regard sur moi.Ce n’est plus tout à fait elle.Ou peut-être est-ce elle, enfin complète.L’Architecte esquisse un sourire.— Impressionnant.Sa voix résonne dans la pièce comme un écho lointain, empli de satisfaction et d’attente.Éléonore
Andréas Je me retourne vivement.Et je le vois.Une silhouette se dessine dans le néant, imposante, drapée dans un manteau sombre.L’Architecte.— Tu es un poison pour elle, Andréas.Sa voix résonne dans l’espace vide.Je serre les poings, prêt à attaquer.— Tu ne sais rien de nous.Un rire moqueur vibre autour de moi.— Vraiment ?Le décor change brusquement.Les ombres s’écartent, dévoilant une vaste salle, aux murs de pierre couverts d’inscriptions anciennes.Et au centre…Éléonore est à genoux.Une lumière crépusculaire l’entoure, et devant elle se tient l’apparition de sa mère.Elle pleure.Jamais je ne l’ai vue ainsi.Mon cœur se serre.— Elle se souvient, murmure l’Architecte.— Se souvient de quoi ?Il ne répond pas.Mais je le vois.Le regard d’Éléonore est perdu dans le passé.Et la silhouette de sa mère s’illumine.Les Larmes du PacteÉléonoreLes souvenirs affluent en moi.Je vois une autre époque, un autre temps.Je vois ma mère, jeune et puissante, défiant les sorciers
ÉléonoreJe lève les yeux vers le ciel nocturne. Les étoiles semblent plus ternes, comme si elles aussi avaient ressenti l’impact de notre lutte.— Il va revenir.La voix d’Andréas est rauque, presque un murmure.Je le sais. L’Architecte ne nous laissera pas en paix. Il a perdu une bataille, mais la guerre ne fait que commencer.— Nous devons partir d’ici, dis-je en me redressant.Autour de nous, les ruines du sanctuaire s’effondrent lentement. Les pierres noircies par la magie maléfique s’effritent, emportées par le vent. Ce lieu n’est plus sûr.Andréas hoche la tête et se lève, bien que son équilibre soit incertain. Je passe un bras autour de sa taille pour le soutenir, et ensemble, nous avançons à travers les décombres.Mais à chaque pas, un poids invisible s’alourdit sur ma poitrine.Quelque chose ne va pas.Je le ressens dans l’air, une présence insidieuse qui s’attarde, cachée dans l’ombre.Nous ne sommes pas seuls.L’Éveil des SpectresAndréasChaque muscle de mon corps est en