AndréasJe prends sa main, la serre doucement.Puis je prononce les mots qui scellent notre destin :— Temps de réveiller les ombres.La nuit est encore jeune quand je me réveille en sursaut.Quelque chose ne va pas.Le silence est trop pesant, trop immobile.Je tends l’oreille, mes sens en alerte.Puis je la vois.Éléonore est debout, au pied du lit, une main posée sur la fenêtre ouverte. Son regard est fixé sur la lune, et son corps semble… différent.Sa silhouette est baignée d’une étrange lumière argentée. Ses cheveux, d’ordinaire sombres, reflètent des nuances presque irréelles.Un frisson me parcourt.— Éléonore ?Elle ne répond pas immédiatement.Ses doigts effleurent le rebord de la fenêtre, comme si elle pouvait y capter un murmure que moi seul ne pouvais entendre.Puis enfin, elle tourne la tête vers moi.Son regard n’est plus le même.Il y a quelque chose de plus profond, de plus ancien.Et ça me terrifie.— Ils arrivent, murmure-t-elle.Mon estomac se noue.— Qui ça ?Elle
Eléonore Un battement de cœur trop long.Puis une voix retentit derrière nous.— Vous avez osé revenir.Je me fige.Cette voix…Je me retourne lentement.Une femme se tient là.Grande, élancée, vêtue d’une robe d’un autre siècle. Ses longs cheveux noirs flottent autour d’elle comme une ombre vivante.Ses yeux…Des miroirs sans fond.Et je sais.Je sais qui elle est.— Léthia, souffle Andréas, choqué.Elle sourit, un sourire qui n’a rien d’humain.— Vous pensiez pouvoir revenir sans me faire face ?Un vent glacé balaye la place.Elle avance vers nous, et chaque pas qu’elle fait résonne comme un glas funèbre.Je ressens l’énergie noire qui l’entoure.Elle est plus forte que je ne l’avais imaginé.— Nous ne sommes pas là pour te combattre, dis-je prudemment.Elle éclate de rire.Un rire froid.— Oh, ma chère Éléonore… Tu n’as jamais compris, n’est-ce pas ?Elle tend la main.Et soudain, le sol tremble.Des ombres surgissent des pavés, se contorsionnant, prenant des formes indistinctes.
ÉléonoreL’air autour de nous devient irrespirable.Les ombres grondent comme un orage en cage, prêtes à nous engloutir à la moindre erreur. Je sens la main d’Andréas serrer la mienne, sa chaleur me ramenant à l’instant présent.— On ne peut pas fuir, murmure-t-il.— Non, on ne peut plus.Léthia nous observe, son sourire indéchiffrable flottant sur ses lèvres pâles.— Enfin, vous comprenez.Elle lève les bras et, d’un mouvement fluide, étend son influence sur les ombres. Elles se tordent, se rassemblent, formant une immense silhouette. Une créature née du néant, aux yeux brillants d’un rouge incandescent.— Il est temps de faire votre choix, continue Léthia. Mourir maintenant… ou mourir plus tard.Son ton est moqueur, mais je devine l’impatience sous ses mots.Elle aussi, elle est piégée.Tout comme nous.— Il y a forcément une autre issue, dis-je d’une voix rauque.— Oh, mais il y en a une, ma chère, répond Léthia avec un éclat de malice. Seulement, êtes-vous prêts à en payer le prix
Andréas Léthia m’observe avec un nouvel intérêt.— Intéressant.— Ce n’est pas comme ça que ça devait finir, crache-je.— Oh, mais si. C’était son choix. Le bon choix.Je secoue la tête, refusant d’entendre ses paroles.— Tu as dit qu’un sacrifice était nécessaire pour briser la malédiction.Elle incline légèrement la tête.— Oui.— Mais tu n’as jamais dit ce qui se passerait après.Elle sourit.— Tu commences enfin à comprendre.Mon souffle s’accélère.— Où est-elle ?Léthia fait un pas vers moi, son ombre s’étirant étrangement sur le sol.— Elle est… entre deux mondes. Son âme vacille, cherchant un nouvel ancrage.— Alors je peux la sauver.— Peut-être, murmure-t-elle. Mais à quel prix ?Son regard perçant semble sonder mes intentions.Elle teste mes limites.Elle veut voir jusqu’où je suis prêt à aller.Je tends la main vers elle.— Montre-moi comment la retrouver.Léthia rit doucement.— Tu es prêt à plonger dans les ténèbres pour elle ?— Je suis prêt à tout.Elle hoche lentemen
ÉléonoreJe me pince les lèvres et serre les poings.— Qu’est-ce qui ne va pas chez moi… ?Ma voix tremble légèrement.Je secoue la tête, chassant cette impression absurde. Peut-être que je suis juste fatiguée. Peut-être que tout va bien.Mais alors… pourquoi ai-je l’impression d’avoir laissé quelque chose derrière moi ?Quelqu’un.Le NéantAndréasLe néant m’enlace comme une mer obscure, m’absorbant tout entier.Il n’y a plus de haut ni de bas. Plus de lumière ni d’ombre. Juste un vide absolu.Je flotte, dépourvu de forme, dépourvu de tout.Je n’ai pas mal.Je n’ai pas froid.Je n’ai… rien.Même mes pensées se diluent dans cet espace infini, se fragmentant avant de disparaître complètement.Un murmure traverse le néant.Un écho brisé.Un nom.Éléonore.Je ne sais plus qui elle est.Mais ce nom… il fait vibrer quelque chose en moi, une lueur vacillante au cœur de cette obscurité totale.Je tends la main, ou du moins j’essaie. Mais j’ai oublié ce que c’est qu’avoir un corps.Le néant e
ÉléonoreSa main si proche de la mienne.Mais une force invisible m’arrache à elle, me rejetant dans cette obscurité sans fin.Je lutte.Je me débats comme un animal pris au piège.Mais le mur est là.Implacable.Un mur de brume, d’oubli, d’ombres mouvantes qui me séparent d’elle.Ma mémoire vacille, mes pensées s’effacent une à une.Qui suis-je ?Pourquoi est-ce que je me bats ?Le néant murmure à mon oreille."Abandonne.""Tu n’existes plus.""Elle t’a oublié…"Non.C’est faux.Je me souviens.Je me souviens de ses yeux, de sa voix.Je me souviens de ce que je ressens.Je ne peux pas disparaître.Je ne peux pas…Alors, je frappe contre le mur.Encore.Encore.Jusqu’à ce qu’une fissure apparaisse.Une lumière s’échappe.Et cette fois, je ne recule pas.Je plonge à travers.Les Lueurs du PasséÉléonoreJe n’ai pas dormi de la nuit.Je suis restée assise dans cette bibliothèque, la bougie tremblante projetant des ombres sur les murs.Andréas.Ce nom résonne en moi comme une incantation
ÉléonoreLa faille oscille devant moi, vibrante d’une énergie ancienne, indomptable. Andréas est là, prisonnier de l’autre côté, ses yeux hantés par une détresse muette. Mais il n’est pas seul.Dans l’ombre qui l’enlace, une silhouette se dessine, éthérée et terrifiante. L’Architecte de l’oubli. Sa présence est une brûlure sur ma peau, une force qui cherche à m’écraser sous le poids du passé.— Éléonore… murmure Andréas, tendant une main vers moi.Nos doigts se frôlent à travers la brèche. Une onde de choc me traverse, soulevant des souvenirs enfouis.Je me revois, pieds nus dans un cercle d’obsidienne, des chaînes d’argent entravant mes poignets. Une voix grave résonne dans l’air saturé d’incantations."Le pacte est scellé."Un cri s’arrache de ma gorge alors que la mémoire m’envahit, trop brutale pour être contenue. Je vacille, mais je refuse de lâcher prise.— Tu ne le reverras jamais.La voix de l’Architecte est un murmure soyeux, chargé d’un amusement cruel. Ses yeux rougeoyants
ÉléonoreJe lève les yeux vers le ciel nocturne. Les étoiles semblent plus ternes, comme si elles aussi avaient ressenti l’impact de notre lutte.— Il va revenir.La voix d’Andréas est rauque, presque un murmure.Je le sais. L’Architecte ne nous laissera pas en paix. Il a perdu une bataille, mais la guerre ne fait que commencer.— Nous devons partir d’ici, dis-je en me redressant.Autour de nous, les ruines du sanctuaire s’effondrent lentement. Les pierres noircies par la magie maléfique s’effritent, emportées par le vent. Ce lieu n’est plus sûr.Andréas hoche la tête et se lève, bien que son équilibre soit incertain. Je passe un bras autour de sa taille pour le soutenir, et ensemble, nous avançons à travers les décombres.Mais à chaque pas, un poids invisible s’alourdit sur ma poitrine.Quelque chose ne va pas.Je le ressens dans l’air, une présence insidieuse qui s’attarde, cachée dans l’ombre.Nous ne sommes pas seuls.L’Éveil des SpectresAndréasChaque muscle de mon corps est en
ÉléonoreLe monde s’est tu. Plus de cris, plus de bataille, plus de peur. Juste le silence paisible d’un matin naissant, baigné d’une lumière douce et dorée. Je laisse mes yeux dériver sur l’horizon, savourant la quiétude après tant d’épreuves.Mais plus que le paysage, c’est lui que je ressens. Son souffle contre ma peau, son cœur battant sous ma paume, sa chaleur qui m’entoure comme un bouclier invincible.Andréas me serre contre lui, son étreinte forte et apaisante. Son menton repose sur le sommet de ma tête, et je ferme les yeux, laissant mon corps se détendre complètement. Plus besoin de lutter. Plus besoin de fuir. Nous sommes là, ensemble, et c’est tout ce qui compte.— Je n’aurais jamais cru connaître un instant comme celui-ci, murmure-t-il contre mes cheveux.Sa voix est rauque, fatiguée, mais remplie d’une tendresse infinie.Je lève la tête vers lui, ancrant mon regard au sien. Il y a tant de choses que je pourrais dire, mais à quoi bon ? Il sait déjà. Il a toujours su.Je t
ÉléonoreL’aube étire ses premiers rayons sur les ruines encore fumantes du champ de bataille. Le silence n’est plus celui de la fin, mais celui d’un commencement. Les survivants se relèvent, se cherchent, se retrouvent. Et moi, je reste là, ancrée dans le regard d’Andréas.Il ne dit rien. Je ne dis rien non plus. Nos âmes parlent pour nous, dans ce langage silencieux que seuls ceux qui ont traversé l’enfer peuvent comprendre. Ses yeux, d’un bleu profond, me transpercent, cherchant en moi quelque chose que je suis enfin prête à lui donner.Lui.Moi.Nous.Il avance d’un pas. Son souffle se mélange au mien. Ses doigts frôlent ma joue, hésitants, comme s’il craignait encore que tout cela ne soit qu’un mirage, une illusion née du combat et de la douleur. Mais je ne suis pas une illusion. Je suis là. Vivante. Prête.Alors, c’est moi qui brise la distance. Mes mains s’accrochent à lui, à cette présence qui a été mon ancre dans la tempête. Il ne recule pas. Il m’accueille, il me retient. Et
ÉléonoreJe sens les battements précipités de mon cœur résonner contre ma cage thoracique. Mon corps tremble sous le poids de l’épuisement, de l’adrénaline retombée, de la douleur qui commence à s’ancrer dans chaque fibre de mon être.Andréas me tient fermement, comme s’il craignait que je disparaisse à mon tour, emportée par les cendres encore tièdes de ce combat. Son souffle est erratique, et lorsqu’il me serre un peu plus contre lui, je ressens toute la tension qui l’a habité, toute l’angoisse qu’il a contenue.— Tu es là, souffle-t-il, comme pour se convaincre. Tu es vivante.Je hoche faiblement la tête contre son épaule, incapable de formuler une réponse. Une vague de chaleur me traverse, non pas de mon pouvoir, mais de lui. Il est ma certitude, mon ancre, celui qui m’a toujours vue telle que je suis, même lorsque je doutais.Mais tandis que mes yeux se perdent dans le ciel, un frisson parcourt mon échine. La nuit est encore lourde, l’air chargé d’un silence pesant. La victoire a
ÉléonoreLe vent hurle autour de nous, emportant avec lui des volutes de poussière et de cendres.Le ciel, chargé de nuages noirs, semble retenir son souffle.Face à moi, Gauvain se tient droit, son corps frémissant d’énergie obscure.Son regard d’acier croise le mien, et je ressens l’ombre qui palpite autour de lui, prête à fondre sur moi à la moindre ouverture.— Tu crois pouvoir me vaincre, Éléonore ? murmure-t-il, un sourire narquois étirant ses lèvres. Tu n’es qu’une enfant jouant avec un feu qui la consumera.Je ne réponds pas.Les mots ne servent plus à rien.Ce combat est la dernière étape.Celle qui décidera du destin des âmes enchaînées à cette malédiction.Celle qui scellera mon propre sort.Les Ombres DéchaînéesGauvain attaque le premier.D’un geste, il invoque un torrent d’ombres qui s’élève autour de lui, déferlant vers moi comme une vague prête à m’engloutir.Je n’ai pas le temps de réfléchir.J’agis.Mon corps bouge avec une rapidité que je ne me connaissais pas, port
ÉléonoreDerrière moi, Andréas retient son souffle.— Ne le sous-estime pas, Éléonore, murmure-t-il.Comme si c’était possible.Je serre les poings, invoquant la magie qui pulse dans mes veines.Si je dois me battre, alors ce sera sans retenue.Je refuse d’être brisée.Pas par lui. Pas par eux.L’Attaque FoudroyanteGauvain ne me laisse pas le temps d’agir.Il tend la main, et une colonne d’ombre fuse vers moi.Je l’évite de justesse en me jetant sur le côté, sentant l’air vibrer sous l’impact.Le sol se crevasse là où j’étais quelques secondes plus tôt.— Pas mal, murmure-t-il. Mais pas suffisant.Il disparaît.Non, il se fond dans l’ombre.Mon cœur bondit.Je me retourne juste à temps pour voir sa silhouette réapparaître derrière moi.Trop tard.Il me frappe de plein fouet, un choc brutal qui m’envoie rouler sur le sol.La douleur explose dans mon corps.Je me redresse en grimaçant, le goût du sang dans ma bouche.Gauvain m’observe, le regard indéchiffrable.— Tu es lente.Je serre
ÉléonoreNous ne faisons que quelques pas avant que la porte du manoir ne s’ouvre brusquement.Ils sont là.Tous les Anciens.Le Conseil.Le poids de leurs regards me cloue sur place.Léandre s’avance le premier, son visage fermé, plus grave que jamais.— Éléonore Valmeray, annonce-t-il d’une voix qui fait frissonner l’air autour de nous.— Nous devons parler.Je n’ai pas le choix.Je le savais déjà.Un jugement sans appelLa salle est glaciale.Les chandeliers projettent des ombres mouvantes sur les murs de pierre, rendant l’atmosphère encore plus oppressante.Je me tiens droite face à eux, Andréas légèrement en retrait, prêt à intervenir à la moindre menace.Léandre me fixe longuement avant de prendre la parole.— Nous avons ressenti ce qui s’est passé.Un murmure parcourt l’assemblée.— Tu as touché à ce qui n’aurait jamais dû être réveillé.Je ne détourne pas le regard.— Je l’ai fait pour comprendre.Un silence.Puis un rire amer s’élève.— Comprendre ? répète une femme aux cheve
AndréasLa lumière nous engloutit, brûlante et aveuglante.Mon instinct me hurle de courir vers Éléonore, de la protéger, mais la force qui émane d’elle est insondable. Le vent se lève dans la salle du sanctuaire, soulevant la poussière et les cendres des siècles passés. Les symboles gravés sur les murs vibrent d’une lueur surnaturelle, pulsant au rythme du cœur d’Éléonore.Et puis, tout s’arrête.Un silence funèbre.Elle est là, debout, ses cheveux flottant comme s’ils étaient portés par une brise invisible. Ses yeux ont changé. Plus brillants, plus intenses. Une aura dorée danse autour d’elle, entrelacée d’ombres mouvantes.Elle a fait son choix.Mais lequel ?— Éléonore…Je tends la main vers elle, mais un frisson me traverse quand elle pose son regard sur moi.Ce n’est plus tout à fait elle.Ou peut-être est-ce elle, enfin complète.L’Architecte esquisse un sourire.— Impressionnant.Sa voix résonne dans la pièce comme un écho lointain, empli de satisfaction et d’attente.Éléonore
Andréas Je me retourne vivement.Et je le vois.Une silhouette se dessine dans le néant, imposante, drapée dans un manteau sombre.L’Architecte.— Tu es un poison pour elle, Andréas.Sa voix résonne dans l’espace vide.Je serre les poings, prêt à attaquer.— Tu ne sais rien de nous.Un rire moqueur vibre autour de moi.— Vraiment ?Le décor change brusquement.Les ombres s’écartent, dévoilant une vaste salle, aux murs de pierre couverts d’inscriptions anciennes.Et au centre…Éléonore est à genoux.Une lumière crépusculaire l’entoure, et devant elle se tient l’apparition de sa mère.Elle pleure.Jamais je ne l’ai vue ainsi.Mon cœur se serre.— Elle se souvient, murmure l’Architecte.— Se souvient de quoi ?Il ne répond pas.Mais je le vois.Le regard d’Éléonore est perdu dans le passé.Et la silhouette de sa mère s’illumine.Les Larmes du PacteÉléonoreLes souvenirs affluent en moi.Je vois une autre époque, un autre temps.Je vois ma mère, jeune et puissante, défiant les sorciers
ÉléonoreJe lève les yeux vers le ciel nocturne. Les étoiles semblent plus ternes, comme si elles aussi avaient ressenti l’impact de notre lutte.— Il va revenir.La voix d’Andréas est rauque, presque un murmure.Je le sais. L’Architecte ne nous laissera pas en paix. Il a perdu une bataille, mais la guerre ne fait que commencer.— Nous devons partir d’ici, dis-je en me redressant.Autour de nous, les ruines du sanctuaire s’effondrent lentement. Les pierres noircies par la magie maléfique s’effritent, emportées par le vent. Ce lieu n’est plus sûr.Andréas hoche la tête et se lève, bien que son équilibre soit incertain. Je passe un bras autour de sa taille pour le soutenir, et ensemble, nous avançons à travers les décombres.Mais à chaque pas, un poids invisible s’alourdit sur ma poitrine.Quelque chose ne va pas.Je le ressens dans l’air, une présence insidieuse qui s’attarde, cachée dans l’ombre.Nous ne sommes pas seuls.L’Éveil des SpectresAndréasChaque muscle de mon corps est en