AndréasUn frisson glacé me parcourt l’échine.Éléonore se tient devant moi.Mais ce n’est plus elle.Quelque chose a changé.Son regard…D’un doré incandescent, il semble percer le voile de la réalité elle-même.Son aura est différente.Plus sombre.Plus affamée.Je me redresse difficilement, encore secoué par ce qui vient de se passer.Les ombres qui me tourmentaient ont disparu, aspirées par elle.Comme si elle les avait absorbées.Comme si elles faisaient désormais partie d’elle.— Éléonore ?Elle ne répond pas.Elle incline légèrement la tête, m’observant avec une curiosité étrange.Puis, lentement, elle avance.Ses pas sont fluides, silencieux, presque irréels.Je devrais fuir.Je le sais.Tout mon instinct me hurle que ce qui se tient devant moi n’est plus la femme que j’aime.Mais je ne peux pas bouger.Elle s’arrête à quelques centimètres de moi.Je sens la chaleur émaner de son corps, mêlée à une énergie crépitante, instable.Ses doigts effleurent ma joue.Un frisson me trav
AndréasElle revient à moi comme un souffle arraché à la mort.Son corps tremble dans mes bras, froid comme la pierre, léger comme une ombre.Son cœur bat contre le mien, chaotique, irrégulier.Elle respire.Elle est là.Mais quelque chose ne va pas.Ses doigts se crispent sur ma chemise, sa peau est glacée malgré la chaleur du feu qui crépite non loin.Son regard s’ouvre enfin, et c’est là que je le vois.L’éclat.Différent.Profond.Un vestige de l’obscurité qu’elle a traversée.— Éléonore… je murmure, cherchant son âme derrière ce regard qui n’est plus tout à fait le sien.Elle cligne des yeux, son souffle s’accélère.— Je…Un frisson parcourt son échine, et je la serre plus fort.Je refuse de la perdre.Pas maintenant.Pas après tout ça.---Elle dort maintenant, épuisée, recroquevillée contre moi.Mais je ne peux fermer l’œil.Un danger plane.Quelque chose d’invisible, tapi dans l’ombre.Je le sens.Un froid qui s’infiltre dans l’air.Un murmure qui serpente entre les pierres du
ÉléonoreLes chandelles s’éteignent lorsque je passe.Et, pire encore, mon ombre ne me suit plus toujours comme elle le devrait.Une partie de moi commence à comprendre.Mais je refuse.Je refuse d’admettre ce que je ressens.Ce que je deviens.— Tu dois me dire la vérité, Andréas.Il sursaute légèrement, comme pris en faute.Nous sommes dans la bibliothèque, entourés de vieux grimoires aux reliures usées.Le silence est épais entre nous.Il ferme les yeux un instant, puis lâche enfin :— Tu es en train de réveiller quelque chose qui aurait dû rester endormi.Son ton est grave.Je frissonne.— Samaël… Qui est-il ?Il me fixe un long moment avant de répondre :— Un nom que personne ne devrait jamais prononcer.Un frisson court sur mon échine.Et dans mon esprit, le murmure revient.— Éléonore…Un rire bas, presque caressant, s’insinue en moi.Je m’effondre sur le fauteuil, ma tête entre mes mains.Andréas est immédiatement à mes côtés, sa main chaude sur mon bras.— Il va venir pour to
ÉléonoreL’air est épais, chargé d’une tension qui me noue l’estomac.Samaël est toujours là, assis sur le rebord de mon lit, son regard doré transperçant mon âme. Il ne parle pas. Il attend. Comme s’il savait que les souvenirs s’imposeraient à moi, qu’ils m’engloutiraient.Et il a raison.Les images affluent, incontrôlables.Un château aux pierres noircies par le temps.Un couloir plongé dans la pénombre, où seule une lueur vacillante éclaire la silhouette d’un homme aux cheveux sombres.— Ne me fais pas ça, Éléonore…Ma propre voix lui répond, glaciale.— Il est trop tard, Samaël.Je revois ses yeux, cet éclat déchiré qui fend mon cœur même à travers les âges.Puis, le sang.Sur mes mains. Sur son torse. Sur les ruines de ce que nous étions.Je me redresse brusquement dans mon lit, haletante.— Pourquoi… pourquoi me montres-tu ça ?Samaël ne détourne pas le regard.— Parce que la vérité a été oubliée. Parce qu’on t’a fait croire à un mensonge.Son ton est bas, caressant, mais je déc
ÉléonoreAndréas me regarde enfin, et dans son regard, je vois une douleur infinie.— Samaël n’est pas celui que tu crois. Il t’a détruite, Éléonore. Il t’a manipulée. Et à la fin…Il s’interrompt.Je me rapproche, le souffle court.— À la fin ?Il ferme les yeux.— Tu es morte à cause de lui.Un silence assourdissant tombe entre nous.Puis il murmure, presque inaudible :— Et je n’ai rien pu faire pour t’en empêcher.Les battements de mon cœur sont erratiques lorsque je quitte sa chambre.Ses paroles résonnent encore dans mon esprit, se mêlant aux souvenirs qui m’assaillent.Samaël m’a détruite.Samaël m’a manipulée.Samaël m’a tuée.Et pourtant…Pourtant, quand je repense à ses yeux ce soir, à sa main effleurant ma joue, à la douceur de son regard…Tout en moi hurle que ce n’est pas aussi simple.Qu’il y a autre chose.Quelque chose qu’on m’a caché.Et je suis bien déterminée à le découvrir.La vérité n'est jamais simple.Elle s'effrite sous mes doigts dès que je tente de l'attraper
AndréasL'air est chargé d'électricité. Je le sens dès que j’entre dans la chambre d’Éléonore.Elle est assise au bord du lit, le dos droit, les poings crispés sur ses genoux. Son regard sombre est fixé sur moi, brûlant de questions qu’elle n’a pas encore posées.Mais je sais qu’elles viendront.Je ferme la porte derrière moi et avance lentement.— Tu es allée le voir.Ce n’est pas une question.Elle ne cille pas.— Oui.Mon cœur rate un battement.— Et qu’a-t-il raconté ?Sa mâchoire se serre.— Que tu m’as caché la vérité.Un frisson me parcourt.— Et tu le crois ?Elle se lève brusquement, s’approche de moi, son regard enflammé de colère et de douleur mêlées.— Je ne sais plus en qui croire, Andréas.Son aveu me transperce.Je serre les poings.— Alors laisse-moi t’expliquer.Un silence s’installe.Puis elle croise les bras, me défiant du regard.— Je t’écoute.Je prends une profonde inspiration.— Tu veux savoir pourquoi tu as oublié ton passé ?— Oui.— Parce que je t’ai protégée
Eléonore Je devrais me méfier.Mais pourquoi mon cœur bat-il si fort ?Andréas s’interpose brutalement.— Elle ne partira pas avec toi.— Elle choisira elle-même.Le regard de Samaël brille d’un éclat étrange.— Tu as peur, Andréas ? Peur qu’elle se souvienne ?Le silence tombe comme une lame entre eux.Je retiens mon souffle.— Se souvenir… ?Les pupilles d’Andréas se contractent.— Ne l’écoute pas.Mais il est trop tard.Samaël lève la main, et une onde de pouvoir explose autour de nous.Des images jaillissent dans mon esprit.Un passé oublié.Un baiser volé sous une lune rouge.Une promesse murmurée entre deux âmes enchaînées.Du sang.Du feu.Un serment brisé.Je suffoque.Les souvenirs s’abattent sur moi comme une marée incontrôlable.Et au centre de tout…Samaël.Son visage est le même. Son regard, brûlant de la même intensité.— Je te retrouverai toujours, Éléonore.Mon cœur explose dans ma poitrine.Je vacille.Andréas m’attrape avant que je ne touche le sol, ses bras solides
ÉléonoreL’écho de sa présence hante encore l’air. Même après son départ, Samaël laisse derrière lui une ombre froide, une empreinte qui s’accroche à ma peau comme une brûlure invisible.Je me sens vide. Épuisée.Je me réfugie dans les bras d’Andréas, mais même sa chaleur ne parvient pas à effacer la sensation glaciale qui serpente en moi.Les souvenirs.Ils s’accrochent à mon esprit, tourbillonnant dans un chaos insoutenable.Samaël… il était mon premier amour.Mais il m’a trahie.Cette vérité me lacère.— Éléonore… murmure Andréas contre mes cheveux.Je ferme les yeux, cherchant à calmer le tumulte en moi.Mais dès que mes paupières se ferment, les images affluent.Je me revois, dans une autre vie.Je suis différente. Plus jeune, plus insouciante. Mes doigts effleurent une main qui n’est pas celle d’Andréas. Une main plus froide, plus délicate.— Je t’aime, murmure une voix.Samaël.Un frisson me parcourt.Puis, brutalement, le souvenir bascule.Des flammes.Un cri.Un abandon.J’ou
ÉléonoreLe monde s’est tu. Plus de cris, plus de bataille, plus de peur. Juste le silence paisible d’un matin naissant, baigné d’une lumière douce et dorée. Je laisse mes yeux dériver sur l’horizon, savourant la quiétude après tant d’épreuves.Mais plus que le paysage, c’est lui que je ressens. Son souffle contre ma peau, son cœur battant sous ma paume, sa chaleur qui m’entoure comme un bouclier invincible.Andréas me serre contre lui, son étreinte forte et apaisante. Son menton repose sur le sommet de ma tête, et je ferme les yeux, laissant mon corps se détendre complètement. Plus besoin de lutter. Plus besoin de fuir. Nous sommes là, ensemble, et c’est tout ce qui compte.— Je n’aurais jamais cru connaître un instant comme celui-ci, murmure-t-il contre mes cheveux.Sa voix est rauque, fatiguée, mais remplie d’une tendresse infinie.Je lève la tête vers lui, ancrant mon regard au sien. Il y a tant de choses que je pourrais dire, mais à quoi bon ? Il sait déjà. Il a toujours su.Je t
ÉléonoreL’aube étire ses premiers rayons sur les ruines encore fumantes du champ de bataille. Le silence n’est plus celui de la fin, mais celui d’un commencement. Les survivants se relèvent, se cherchent, se retrouvent. Et moi, je reste là, ancrée dans le regard d’Andréas.Il ne dit rien. Je ne dis rien non plus. Nos âmes parlent pour nous, dans ce langage silencieux que seuls ceux qui ont traversé l’enfer peuvent comprendre. Ses yeux, d’un bleu profond, me transpercent, cherchant en moi quelque chose que je suis enfin prête à lui donner.Lui.Moi.Nous.Il avance d’un pas. Son souffle se mélange au mien. Ses doigts frôlent ma joue, hésitants, comme s’il craignait encore que tout cela ne soit qu’un mirage, une illusion née du combat et de la douleur. Mais je ne suis pas une illusion. Je suis là. Vivante. Prête.Alors, c’est moi qui brise la distance. Mes mains s’accrochent à lui, à cette présence qui a été mon ancre dans la tempête. Il ne recule pas. Il m’accueille, il me retient. Et
ÉléonoreJe sens les battements précipités de mon cœur résonner contre ma cage thoracique. Mon corps tremble sous le poids de l’épuisement, de l’adrénaline retombée, de la douleur qui commence à s’ancrer dans chaque fibre de mon être.Andréas me tient fermement, comme s’il craignait que je disparaisse à mon tour, emportée par les cendres encore tièdes de ce combat. Son souffle est erratique, et lorsqu’il me serre un peu plus contre lui, je ressens toute la tension qui l’a habité, toute l’angoisse qu’il a contenue.— Tu es là, souffle-t-il, comme pour se convaincre. Tu es vivante.Je hoche faiblement la tête contre son épaule, incapable de formuler une réponse. Une vague de chaleur me traverse, non pas de mon pouvoir, mais de lui. Il est ma certitude, mon ancre, celui qui m’a toujours vue telle que je suis, même lorsque je doutais.Mais tandis que mes yeux se perdent dans le ciel, un frisson parcourt mon échine. La nuit est encore lourde, l’air chargé d’un silence pesant. La victoire a
ÉléonoreLe vent hurle autour de nous, emportant avec lui des volutes de poussière et de cendres.Le ciel, chargé de nuages noirs, semble retenir son souffle.Face à moi, Gauvain se tient droit, son corps frémissant d’énergie obscure.Son regard d’acier croise le mien, et je ressens l’ombre qui palpite autour de lui, prête à fondre sur moi à la moindre ouverture.— Tu crois pouvoir me vaincre, Éléonore ? murmure-t-il, un sourire narquois étirant ses lèvres. Tu n’es qu’une enfant jouant avec un feu qui la consumera.Je ne réponds pas.Les mots ne servent plus à rien.Ce combat est la dernière étape.Celle qui décidera du destin des âmes enchaînées à cette malédiction.Celle qui scellera mon propre sort.Les Ombres DéchaînéesGauvain attaque le premier.D’un geste, il invoque un torrent d’ombres qui s’élève autour de lui, déferlant vers moi comme une vague prête à m’engloutir.Je n’ai pas le temps de réfléchir.J’agis.Mon corps bouge avec une rapidité que je ne me connaissais pas, port
ÉléonoreDerrière moi, Andréas retient son souffle.— Ne le sous-estime pas, Éléonore, murmure-t-il.Comme si c’était possible.Je serre les poings, invoquant la magie qui pulse dans mes veines.Si je dois me battre, alors ce sera sans retenue.Je refuse d’être brisée.Pas par lui. Pas par eux.L’Attaque FoudroyanteGauvain ne me laisse pas le temps d’agir.Il tend la main, et une colonne d’ombre fuse vers moi.Je l’évite de justesse en me jetant sur le côté, sentant l’air vibrer sous l’impact.Le sol se crevasse là où j’étais quelques secondes plus tôt.— Pas mal, murmure-t-il. Mais pas suffisant.Il disparaît.Non, il se fond dans l’ombre.Mon cœur bondit.Je me retourne juste à temps pour voir sa silhouette réapparaître derrière moi.Trop tard.Il me frappe de plein fouet, un choc brutal qui m’envoie rouler sur le sol.La douleur explose dans mon corps.Je me redresse en grimaçant, le goût du sang dans ma bouche.Gauvain m’observe, le regard indéchiffrable.— Tu es lente.Je serre
ÉléonoreNous ne faisons que quelques pas avant que la porte du manoir ne s’ouvre brusquement.Ils sont là.Tous les Anciens.Le Conseil.Le poids de leurs regards me cloue sur place.Léandre s’avance le premier, son visage fermé, plus grave que jamais.— Éléonore Valmeray, annonce-t-il d’une voix qui fait frissonner l’air autour de nous.— Nous devons parler.Je n’ai pas le choix.Je le savais déjà.Un jugement sans appelLa salle est glaciale.Les chandeliers projettent des ombres mouvantes sur les murs de pierre, rendant l’atmosphère encore plus oppressante.Je me tiens droite face à eux, Andréas légèrement en retrait, prêt à intervenir à la moindre menace.Léandre me fixe longuement avant de prendre la parole.— Nous avons ressenti ce qui s’est passé.Un murmure parcourt l’assemblée.— Tu as touché à ce qui n’aurait jamais dû être réveillé.Je ne détourne pas le regard.— Je l’ai fait pour comprendre.Un silence.Puis un rire amer s’élève.— Comprendre ? répète une femme aux cheve
AndréasLa lumière nous engloutit, brûlante et aveuglante.Mon instinct me hurle de courir vers Éléonore, de la protéger, mais la force qui émane d’elle est insondable. Le vent se lève dans la salle du sanctuaire, soulevant la poussière et les cendres des siècles passés. Les symboles gravés sur les murs vibrent d’une lueur surnaturelle, pulsant au rythme du cœur d’Éléonore.Et puis, tout s’arrête.Un silence funèbre.Elle est là, debout, ses cheveux flottant comme s’ils étaient portés par une brise invisible. Ses yeux ont changé. Plus brillants, plus intenses. Une aura dorée danse autour d’elle, entrelacée d’ombres mouvantes.Elle a fait son choix.Mais lequel ?— Éléonore…Je tends la main vers elle, mais un frisson me traverse quand elle pose son regard sur moi.Ce n’est plus tout à fait elle.Ou peut-être est-ce elle, enfin complète.L’Architecte esquisse un sourire.— Impressionnant.Sa voix résonne dans la pièce comme un écho lointain, empli de satisfaction et d’attente.Éléonore
Andréas Je me retourne vivement.Et je le vois.Une silhouette se dessine dans le néant, imposante, drapée dans un manteau sombre.L’Architecte.— Tu es un poison pour elle, Andréas.Sa voix résonne dans l’espace vide.Je serre les poings, prêt à attaquer.— Tu ne sais rien de nous.Un rire moqueur vibre autour de moi.— Vraiment ?Le décor change brusquement.Les ombres s’écartent, dévoilant une vaste salle, aux murs de pierre couverts d’inscriptions anciennes.Et au centre…Éléonore est à genoux.Une lumière crépusculaire l’entoure, et devant elle se tient l’apparition de sa mère.Elle pleure.Jamais je ne l’ai vue ainsi.Mon cœur se serre.— Elle se souvient, murmure l’Architecte.— Se souvient de quoi ?Il ne répond pas.Mais je le vois.Le regard d’Éléonore est perdu dans le passé.Et la silhouette de sa mère s’illumine.Les Larmes du PacteÉléonoreLes souvenirs affluent en moi.Je vois une autre époque, un autre temps.Je vois ma mère, jeune et puissante, défiant les sorciers
ÉléonoreJe lève les yeux vers le ciel nocturne. Les étoiles semblent plus ternes, comme si elles aussi avaient ressenti l’impact de notre lutte.— Il va revenir.La voix d’Andréas est rauque, presque un murmure.Je le sais. L’Architecte ne nous laissera pas en paix. Il a perdu une bataille, mais la guerre ne fait que commencer.— Nous devons partir d’ici, dis-je en me redressant.Autour de nous, les ruines du sanctuaire s’effondrent lentement. Les pierres noircies par la magie maléfique s’effritent, emportées par le vent. Ce lieu n’est plus sûr.Andréas hoche la tête et se lève, bien que son équilibre soit incertain. Je passe un bras autour de sa taille pour le soutenir, et ensemble, nous avançons à travers les décombres.Mais à chaque pas, un poids invisible s’alourdit sur ma poitrine.Quelque chose ne va pas.Je le ressens dans l’air, une présence insidieuse qui s’attarde, cachée dans l’ombre.Nous ne sommes pas seuls.L’Éveil des SpectresAndréasChaque muscle de mon corps est en