Chapitre 3

Alex s'est arrêté une seconde, il a serré les lèvres et a regardé Isabelle, mais n'a finalement rien dit.

Léa écoutait leur conversation et a esquissé un sourire moqueur au coin des lèvres.

Elle était la femme d'Alex, mais elle avait l'impression que c'étaient eux les époux et qu'elle était la maîtresse.

Alex marchait devant, Isabelle le suivait à ses côtés. Même si Léa ignorait Isabelle, celle-ci continuait à faire son cinéma.

« Léa, tu dois avoir très mal, je suis désolée. À ce moment-là, Alex a pensé à ma carrière, alors il m'a emmenée à l'hôpital en premier. Ne lui en veux pas », a dit Isabelle à Léa.

Léa a pincé légèrement les lèvres et a répondu calmement : « Je ne lui en veux pas. Après tout, tu es la plus importante pour lui. »

Ce qu'elle a dit était vrai, mais pour Alex, cela semblait sarcastique. Il a donc répliqué avec agacement :

« C'est quoi ce ton ? Même si Isabelle ne l'a pas bien tenu, c'est de ta faute si tu n'as pas bien fermé le couvercle. »

Léa n'a pas répondu, car même si elle expliquait mille fois, Alex ne la croirait jamais. Elle a seulement levé les yeux, le regard vide.

Alex a baissé la tête, et son regard a croisé les yeux calmes de Léa. Il avait, sans savoir pourquoi, l'impression qu'elle était devenue plus froide, plus dure.

« Ça va, c'est du passé. Je ne suis pas vraiment blessée. Alex, ne reproche plus rien à Léa », a dit Isabelle d'un ton magnanime.

« En plus, Léa est blessée aussi. Alex, ne sois pas si dur avec elle. »

En entendant ses mots, Léa avait envie de vomir. Elle, la victime, est devenue la coupable, et Isabelle osait jouer la grande âme qui pardonne, sans aucune honte.

« Fais attention la prochaine fois », a dit Alex à Léa.

La prochaine fois ? Léa a ricané froidement. Il n'y en aurait plus.

Arrivés au bord du trottoir, un cri s'est soudainement fait entendre derrière eux.

Alex s'est tourné rapidement et a vu Isabelle assise par terre, tenant sa cheville d'une main, le visage tordu de douleur.

« Isabelle ! » a crié Alex, paniqué.

Sans réfléchir, il a lâché Léa, qui est tombée brutalement au sol, surprise, et a aspiré profondément sous l'effet de la douleur.

Alex s'est précipité, inquiet, a pris Isabelle dans ses bras et a couru vers l'hôpital.

Mais après quelques pas, il s'est soudain retourné.

Derrière lui, Léa essayait péniblement de se relever.

Alex a froncé les sourcils, tandis que les sanglots d'Isabelle lui parvenaient aux oreilles :

« J'ai tellement mal, je crois que je me suis tordu la cheville… Que vais-je faire ? J'aurai un défilé après-demain. »

« Ne t'inquiète pas, je vais t'emmener te faire soigner tout de suite », a répondu Alex, avant de détourner les yeux et de partir sans se retourner.

Il est parti. Léa s'est difficilement redressée, mais la douleur l'empêchait même de se tenir droite.

Elle n'a pas regardé les deux autres. Les yeux embués, elle a levé la main pour arrêter un taxi.

Une fois montée, elle a regardé son pied. En tombant, il avait heurté une pierre et son orteil saignait.

Ce n'était pas tout : son coccyx lui faisait mal, et son coude a perdu une large couche de peau.

Elle a utilisé un mouchoir pour nettoyer le sang. La douleur lui a arraché de grosses larmes, mais elle a serré les dents pour ne pas pleurer à voix haute.

Il restait seulement un mois, a pensé Léa. Dans un mois, elle serait enfin libre.

Son téléphone a vibré à côté d'elle. Un message est apparu, toujours de ce numéro inconnu :

« Désolée, Léa, Alex m'a accompagnée pour ma cheville et t'a encore laissée tomber. Il doit rester un moment avec moi, tu ne m'en veux pas, hein ? »

Léa a regardé, puis a ignoré le message.

Cela faisait deux ans qu'ils étaient séparés, mais Alex aimait toujours autant Isabelle. Tant qu'elle était là, il la choisissait sans hésiter.

Elle a changé d'application et a regardé le message que Louis, son ancien camarade, lui avait envoyé la veille. Il lui demandait quand elle rentrerait au pays.

Oui, elle lui avait caché son mariage. Elle lui avait dit qu'elle était partie à l'étranger, alors qu'en réalité, elle était toujours à Paris.

Paris n'était ni trop grand ni trop petit. Tout le monde savait qu'Alex s'était marié, mais personne ne savait qui était sa femme, c'était lui qui l'avait exigé à l'époque.

Pendant ces deux ans, elle est restée autour d'Alex, entre la maison et les courses, sans jamais se montrer en public.

« Je rentre dans un mois, le temps de régler mes affaires ici », a-t-elle répondu.

Tout régler : mettre fin à tout ce qui la liait à Alex.

Louis a répondu très vite, il lui a proposé de rejoindre directement son entreprise en tant que directrice.

Elle a accepté l'invitation, mais pas le poste de directrice. Après l'université, elle avait épousé Alex. On disait qu'elle était femme au foyer, en réalité, elle était domestique à plein temps.

Elle devait reprendre tout ce qu'elle avait appris à la fac, sinon, elle ne serait même pas capable de suivre dans un travail classique.

« Mais non ! Te donner ce poste, c'est encore sous-estimer ton potentiel ! Tu étais la meilleure du département, chaque année boursière, et dès la deuxième année, tu avais mené une équipe à la victoire d'un concours de start-up. Tu es brillante. »

Léa a fixé le message, un peu perdue, et ses souvenirs d'université lui sont revenus soudainement.

Elle avait toujours été parmi les meilleures, avait dirigé plusieurs équipes gagnantes. C'était aussi à cette époque-là qu'elle avait rencontré le grand-père d'Alex à quelques reprises.

Ses yeux se sont arrêtés sur le mot « brillante ». Elle avait l'impression de se réveiller d'un long rêve.

Oui, elle était brillante.

Même sans avoir aidé son camarade à créer une entreprise, elle aurait pu être aujourd'hui cadre dans une grande société.

Mais ces deux dernières années… en quoi s'était-elle transformée ?

Par amour, elle s'était humiliée, avait tout sacrifié — sa dignité, sa personnalité. Même elle, elle avait du mal à se reconnaître. Elle se trouvait minable.

Après avoir répondu à Louis, Léa a éteint son téléphone avec l'écran brisé, puis s'est adossée au siège.

Les souvenirs ont défilé dans sa tête :

À l'époque, son camarade l'avait embarquée dans un projet de start-up. C'était elle qui était allée chercher des investisseurs, elle avait alors rencontré le vieux monsieur Thomas.

Il avait accepté d'investir, à condition qu'elle épouse Alex. Il ne voulait pas qu'Isabelle entre dans la famille.

Pour elle, à l'époque, c'était une double bonne nouvelle, un coup de bonheur qui l'avait complètement étourdie.

Depuis le lycée, elle était amoureuse d'Alex. Même quand il était avec Isabelle, elle avait gardé cet amour enfoui au fond d'elle.

Elle était trop avide : non seulement elle avait obtenu l'investissement, mais en plus, elle croyait pouvoir avoir l'amour. Alors elle avait accepté sans hésiter.

Mais maintenant…

Elle regrettait amèrement.

Ce n'était pas une aubaine tombée du ciel, c'était comme des restes rances, moisis depuis longtemps.

Les choses gratuites coûtaient souvent bien plus cher que prévu.