SelenaIl dort enfin.Sa respiration est lente, un peu rauque. Le genre de souffle qui trahit encore la douleur sous la peau, malgré les médicaments, malgré le repos.Je devrais partir.Je devrais me lever, quitter cette pièce, tourner la page avant qu’il ne soit trop tard.Mais je suis toujours là.Toujours figée au bord de ce gouffre qu’il a creusé en moi.Ma main repose sur la couverture, tout près de la sienne. Il suffirait d’un frôlement, d’un geste, pour que je retombe.Je n’ai jamais eu peur de Viktor.Pas comme les autres.Pas comme ceux qui le craignent pour ce qu’il est, ce qu’il fait, ce qu’il incarne.Moi, j’ai peur de ce qu’il me fait ressentir.De ce qu’il éveille en moi.Derrière cette carapace de violence et d’arrogance, il y a un homme. Un homme capable de briser sans un mot. Capable d’enchaîner sans fers.Et moi, je suis déjà enchaînée.Je le sais depuis longtemps.Mais l’admettre ?C’est une autre histoire.Un soupir m’échappe.Je ferme les yeux une seconde, juste u
SelenaIl ne recule pas.Je ne recule pas non plus.Le silence entre nous est un champ de bataille.Et je suis fatiguée de me battre.Viktor me tient encore, son souffle chaud contre ma peau. Ses doigts s’agrippent à ma taille, comme s’il craignait que je disparaisse. Mais c’est lui qui a disparu le premier. Lui qui m’a poussée à m’éloigner.Alors pourquoi est-ce qu’il me regarde comme ça ?— Ne me fais pas croire que tu peux vivre sans moi.Sa voix est rauque, éraillée par quelque chose que je ne veux pas nommer.Je veux mentir. Lui dire qu’il n’a aucune importance. Mais mes yeux me trahissent avant même que mes lèvres ne s’ouvrent.Viktor le voit. Il voit tout.— Arrête.Ma voix tremble.— Arrête quoi ?— De faire comme si ça comptait.Un sourire amer étire ses lèvres.— Parce que ça ne compte pas ?Ses doigts tracent une ligne invisible le long de mon bras, déclenchant une vague de frissons.— Non.Le mensonge me brûle la langue.Il le sait.Et moi aussi.— Regarde-moi et répète-le
SelenaL’air est lourd. Chargé de tout ce qu’on ne dit pas. De tout ce qui pèse entre nous.Je suis encore là.Je devrais partir.Mais je ne peux pas.Viktor est assis sur le bord du lit, torse nu, une cigarette entre les doigts. La fumée s’élève lentement, s’enroulant autour de nous comme une malédiction. Son regard est perdu quelque part entre le passé et l’avenir.Il ne me regarde pas.Il attend.J’ai appris à le connaître. À le déchiffrer malgré son silence. Ce n’est pas un homme qui parle pour rien. Pas un homme qui supplie.Mais ce soir, il est sur le fil.Et moi aussi.Je m’approche lentement, mes pas étouffés par le tapis.— Dis-moi que ça compte pour toi.Ma voix est à peine un murmure.Il ne bouge pas.Puis, lentement, il écrase sa cigarette dans le cendrier et se lève. Son regard accroche le mien. Féroce. Déroutant.— Tout compte, Selena. Tout.Un frisson me traverse.— Alors pourquoi est-ce que j’ai l’impression que tu pourrais tout détruire en un instant ?Son sourire est
SelenaJe ne sais pas combien de temps je suis restée là, à fixer le plafond, le souffle court, le cœur trop lourd dans ma poitrine. L’ombre de Viktor s’étire sur le mur, mouvante, indomptable. Il est toujours là. Trop proche. Trop loin à la fois.La chaleur de sa main effleure encore ma peau, même s’il ne me touche plus.Je devrais partir.Mais je reste.Je me tourne lentement vers lui. Il est allongé sur le dos, un bras replié derrière sa tête, l’autre reposant sur son torse nu. Ses cicatrices attrapent la lumière tamisée, autant de souvenirs marqués dans sa chair. Des fragments d’histoire que je n’ai jamais osé lui demander.Je tends la main.Je ne devrais pas.Mais mes doigts glissent sur une vieille plaie, une ligne pâle juste sous ses côtes.Il ne bouge pas.Mais je le sens se tendre.— Comment tu l’as eue ?Un silence.Il garde les yeux rivés au plafond, comme si répondre lui coûtait plus que la blessure elle-même.Puis, enfin, il murmure :— Un homme que j’ai laissé en vie.Mo
SelenaLe silence est une lame entre nous.Tranchante.Implacable.Je le regarde, debout devant la porte, une ombre massive qui bloque mon seul échappatoire. Mais je ne veux pas fuir.Viktor a toujours eu cette façon de me retenir sans chaînes, sans menaces. Son regard suffit. Son corps tendu, prêt à la guerre, me hurle que si je reste, je risque de tout perdre.Mais partir, c’est pire encore.— Ne me force pas à choisir.Ma voix tremble, mais mes jambes restent ancrées au sol.Il pousse un soupir.— Le choix est déjà fait, Selena.Ses mains se referment sur mes bras, non pas pour me blesser, mais pour me ramener à lui. Son front se pose contre le mien, et dans cet instant suspendu, nous savons tous les deux que rien ne sera plus jamais pareil.— Si tu restes, ils te tueront.— Et s’ils te tuent, alors je meurs avec toi.Il ferme les yeux.La douleur est un feu entre nous, un brasier qui consume nos résolutions.— Je ne peux pas… murmure-t-il.Ses doigts glissent sur ma nuque, brûlant
SelenaLe chaos.L’air est saturé de fumée et de cendres, un brouillard opaque qui avale les formes et étouffe les sons. Mes oreilles bourdonnent encore sous l’impact de l’explosion. Ma gorge brûle.Viktor est devant moi, son arme levée, prêt à tirer. Mikhaïl est accroupi, le regard acéré, évaluant la situation.Et lui.Cet homme que Viktor semble connaître.Celui qui se tient là, le sourire tranquille d’un prédateur qui a déjà goûté la victoire.— Tu devrais être mort.Sa voix est calme.Viktor ne répond pas. Son doigt se crispe imperceptiblement sur la détente.— Tu n’as jamais su abandonner, hein ?L’homme s’avance d’un pas.— C’est pour ça qu’ils sont tous morts.Un frisson glacial me traverse.— Ferme-la, gronde Viktor.Mais l’autre continue, impassible.— Tu te souviens, Viktor ? Tu as laissé leur sang couler dans la neige. Et maintenant, tu traînes cette fille avec toi. Comme si l’histoire ne devait pas se répéter.Viktor tire.L’homme esquive d’un pas fluide, et tout bascule.
SelenaL’aube perce à peine l’horizon lorsque je me réveille en sursaut.Le silence est presque oppressant, comme une présence invisible qui attend dans l’ombre. Mon corps est encore engourdi par la tension de la veille, mais mon esprit est déjà en alerte. À mes côtés, Viktor dort d’un sommeil agité, le front plissé, les poings serrés sous le drap.Je me redresse lentement, le souffle court.Quelque chose ne va pas.Je me lève, enfilant à la hâte un pull et un pantalon avant de traverser l’appartement pieds nus. Les planches grincent sous mon poids, un bruit presque imperceptible dans l’obscurité. Mon regard balaie la pièce principale, cherchant l’anomalie.Puis je la vois.La porte du balcon est entrouverte.Un frisson me traverse.Viktor ne laisse jamais une porte ouverte.Je me fige, le cœur battant. Chaque fibre de mon être me hurle de reculer, d’aller réveiller Viktor.Mais il est trop tard.Une ombre se détache du mur.Avant que je puisse réagir, une main glacée se referme sur m
Selena Il ne répond pas.Mais je sais qu’il y pense.Le silence est lourd, oppressant.Puis il murmure, plus pour lui-même que pour moi :— S’ils croient que je vais les laisser t’avoir… Ils vont comprendre leur erreur.Un frisson me parcourt.Je devrais avoir peur.Mais je ne ressens qu’une chose.La certitude que, quoi qu’il arrive, nous ne reculerons pas.Et s’ils veulent me prendre…Alors ils devront affronter l’enfer.ViktorL’odeur du café se mêle à celle de la poudre et du métal.Je suis assis sur le bord du lit, une arme à la main, observant la ville à travers les rideaux à moitié tirés. L’aube peine à dissiper l’obscurité, comme si elle hésitait à révéler ce qui se cache sous ses ombres.Derrière moi, Selena dort encore, son souffle léger troublé par l’adrénaline de la veille. Son corps porte les stigmates de la violence qu’on traîne derrière nous : des marques invisibles, des blessures qu’aucun bandage ne pourrait recouvrir.Mais elle est là. Toujours.Mon téléphone vibre.
---SelenaLe monde pourrait s’effondrer autour de nous.Je m’en moquerais.Parce qu’en cet instant, il n’y a que lui.Viktor.Son regard d’orage qui me cloue sur place, son souffle chaud effleurant ma peau, ses mains qui me retiennent comme si j’étais la seule chose capable de l’ancrer à ce monde.Nous sommes allongés l’un contre l’autre, encore haletants de la nuit que nous avons traversée. De toutes les nuits passées à s’effleurer sans jamais oser tomber.Mais cette fois, nous avons chuté.Et nous ne voulons plus remonter.Il est là, son torse contre le mien, la chaleur de sa peau irradiant sur la mienne. Ses doigts effleurent mon bras, remontent lentement, traçant des frissons sur mon épiderme.Il me regarde comme s’il voulait graver mon visage dans sa mémoire, comme si chaque détail de moi était une vérité qu’il venait à peine de comprendre.Je ne dis rien.J’attends.J’attends qu’il trouve les mots.Parce que je sais qu’ils sont là, coincés quelque part entre ses lèvres et son c
SelenaJe m’accroche à lui, mes doigts s’enfouissant dans ses cheveux, mon corps réagissant à chaque caresse, à chaque frisson qu’il fait naître sur ma peau.Quand il retire mon t-shirt, ses lèvres effleurent ma clavicule, descendent le long de ma poitrine.Il prend son temps.Comme s’il voulait mémoriser chaque centimètre de moi.Je le laisse faire, me perdant dans ses gestes, dans la manière dont il murmure mon prénom contre ma peau.Puis, c’est mon tour de le déshabiller.D’effleurer les cicatrices sur son corps, d’embrasser celles qui me racontent son histoire mieux que n’importe quel mot.Il frissonne sous mes doigts, et quand il revient capturer ma bouche, c’est plus intense, plus désespéré.Nous nous retrouvons dans un chaos d’émotions et de désirs.Quand enfin il s’unit à moi, un gémissement m’échappe, et il pose son front contre le mien.— Selena…Son souffle est saccadé, sa voix rauque.Je l’entoure de mes jambes, l’attirant plus profondément, plus près, jusqu’à ce qu’il n’y
SelenaLa nuit est tombée sur l’île. Un silence profond s’étend autour de nous, seulement troublé par le bruit des vagues qui viennent mourir contre la falaise. L’air est plus doux ici, presque paisible.Viktor est assis sur la terrasse, un verre à la main, perdu dans ses pensées. La lueur vacillante des lanternes projette des ombres sur son visage, accentuant les angles durs de ses traits.Il ne parle pas.Il ne parle presque jamais quand il réfléchit.Alors, je le regarde en silence, attendant qu’il trouve les mots.Il finit par briser le silence, d’une voix rauque :— Est-ce que tu regrettes ?Je fronce les sourcils.— Regretter quoi ?Il ne détourne pas les yeux de l’horizon.— De m’avoir suivi.Je m’approche lentement, m’agenouille à côté de lui.— Pourquoi tu me demandes ça ?Ses doigts se crispent autour de son verre.— Parce que tu aurais pu avoir une vie plus simple.Je laisse échapper un rire sans joie.— Une vie simple ? Tu penses que c’est ce que je voulais ?Il tourne enf
---SelenaLe silence de l’appartement est presque irréel. Comme si la nuit avait figé chaque instant, suspendu le temps entre nous. Pourtant, l’aube est là, glissant à travers les rideaux, projetant une lumière grise sur les draps défaits.Je le regarde s’habiller, chaque mouvement précis, maîtrisé. Ses épaules sont tendues, son regard est ailleurs.L’appel de Luka a tout changé.Mais en réalité, Viktor n’a jamais cessé d’attendre ce moment. Il savait qu’il arriverait. Moi aussi.— On part quand ? demandé-je en nouant mes cheveux.Il termine de boutonner sa chemise, s’approche lentement.— Dans une heure.Une heure. Soixante minutes avant de quitter Moscou. Avant de tout laisser derrière nous.Je devrais avoir peur. De ce qui nous attend. De ce que ça signifie. Mais tout ce que je ressens, c’est une étrange certitude.J’ai choisi cette route. J’ai choisi Viktor.Et je ne reviendrai pas en arrière.Il s’arrête devant moi, glisse une main sur ma joue. Son pouce effleure ma peau, une ca
SelenaMoscou est silencieuse sous la neige.Les lampadaires diffusent une lumière blafarde, et le vent souffle entre les immeubles, soulevant des volutes de poudre blanche.Je marche à côté de Viktor, emmitouflée dans mon manteau.Il ne parle pas. Il ne fume pas.Il est juste là.Présent.C’est suffisant.Nous traversons les rues désertes, avançant sans but précis. Après la tempête, il ne reste que ce calme étrange, ce flottement entre deux mondes.Le monde d’avant Sergueï.Le monde d’après.Mais Viktor n’a pas changé.Il est toujours cette tempête silencieuse, cet homme hanté par ses propres démons.Et moi ?Moi, je refuse de le laisser sombrer.— Tu veux rentrer ? demandé-je doucement.Il secoue la tête.— Pas encore.Nous continuons d’avancer.Il est tard. La ville dort.Seuls les fantômes errent encore.Et nous en faisons partie.Le bruit de nos pas est étouffé par la neige. Parfois, un néon grésille au-dessus d’une devanture fermée, projetant une lumière crue sur l’asphalte glac
SelenaL’air sent la fumée et le whisky.Viktor s’est endormi, son corps tendu même dans le sommeil.Je suis assise sur le bord du lit, les genoux repliés, observant la lueur blafarde du matin filtrer à travers les rideaux.C’est fini.Sergueï Ivanov est mort.Le fantôme qui hantait Viktor depuis des années a disparu, sa silhouette effacée sous une mare de sang.Alors pourquoi ce vide en moi ?Pourquoi cette sensation que la guerre ne s’est pas arrêtée, mais qu’elle a juste changé de visage ?Je frissonne et me lève, traversant la pièce en silence.Je prends mon téléphone et sors sur le balcon.Le froid de Moscou mord ma peau nue, mais je l’ignore.Je compose un numéro.Une tonalité. Deux.Puis une voix rauque décroche.— Selena.— Luka.Un silence.— Il est vivant ?— Oui. Mais il…Les mots restent coincés dans ma gorge.— Il est brisé, murmure Luka.Je ferme les yeux.— Oui.Un soupir à l’autre bout du fil.— Je m’en occupe. Ramène-le à la maison.Je raccroche.Ramène-le à la maison
ViktorL’aube n’a même pas eu le temps de s’imposer que la nuit me réclame déjà.Le message d’Ilya tourne en boucle dans ma tête alors que je roule dans le silence d’une Moscou encore endormie, les rues désertes noyées sous un brouillard épais, comme si la ville elle-même savait que le sang n’en avait pas fini avec elle.Selena dort encore, abandonnée dans mes draps, sa peau marquée par moi, ses lèvres rouges de mes morsures. Une part de moi voulait rester, la regarder respirer, la croire à l’abri du reste du monde. Mais ce monde est à moi, pourri jusqu’à l’os, et il ne la laissera pas tranquille tant que je serai vivant.Ilya m’attend devant un immeuble abandonné, les mains dans les poches, l’air plus sombre que d’habitude. Ses yeux me fixent avant même que je coupe le moteur.— T’as mis le temps. balance-t-il, sans bouger.— J’ai laissé un cadavre derrière moi hier soir. Ça demande un peu de… digestion.Ilya ricane, un son sec, sans amusement.— Tu crois que c’est fini, Viktor ? Tu
ViktorL’aube est un poison lent.Le jour se lève sur Moscou, étouffant la nuit d’une lumière froide.Mais en moi, c’est toujours l’obscurité.Je suis debout devant la fenêtre, une cigarette entre les doigts, et je regarde la ville s’étirer sous moi.Selena dort encore.Son corps est à moitié couvert par le drap, sa peau marquée par la nuit que nous avons partagée.J’ai laissé mes empreintes sur elle.Elle a laissé les siennes sur moi.Mais la guerre n’attend pas.Mon téléphone vibre sur la table de nuit.Je décroche sans un mot.— On l’a trouvé.Ma main se crispe sur le verre que je tiens.Une seconde de silence.Puis ma voix tombe, glaciale.— Où ?— Un entrepôt, près du port. Il ne bouge plus. Il t’attend.Je raccroche.Selena ouvre lentement les yeux.Elle me regarde un instant, encore engourdie par le sommeil, puis elle voit mon expression.Et elle comprend.— C’est le moment. murmure-t-elle.Je hoche la tête.Elle se redresse, laisse le drap glisser sur sa peau nue, mais ses yeu
ViktorTout ce que je veux, c’est du sang.Sergueï Ivanov a survécu.Il a attendu dans l’ombre.Et maintenant, il est prêt à frapper.Mais moi aussi.— Tu ne dors pas.Sa voix brise le silence.Je tourne la tête vers elle.Elle est allongée sur le lit, ses cheveux épars sur l’oreiller, son visage éclairé par la lueur pâle de la lune.Ses doigts effleurent le drap entre nous.— Je ne peux pas.Elle se redresse lentement.Son regard s’accroche au mien.— Tu penses à lui.Bien sûr que je pense à lui.À son sourire carnassier.À la haine dans ses yeux.À la douleur qu’il a laissée derrière lui, comme une cicatrice indélébile.— Je vais le tuer. dis-je d’une voix rauque.Selena ne réagit pas tout de suite.Puis, elle murmure :— Et après ?Je fronce les sourcils.— Après quoi ?— Après que tu l’auras tué. Qu’est-ce qu’il restera de toi ?Je la fixe.Elle attend une réponse.Mais je n’en ai pas.Je n’y ai jamais pensé.Parce que la vengeance, c’est tout ce qu’il me reste.SelenaViktor est