Les jours qui suivirent la victoire furent consacrés à reconstruire ce que la guerre avait dévasté. À travers chaque rue, chaque maison, chaque coin de Nemtaba, les habitants travaillaient ensemble, animés par une énergie nouvelle et un élan collectif d’espoir. Chacun mettait la main à la tâche, souriant malgré les efforts et les douleurs encore fraîches, comme si reconstruire leur ville revenait à reconstruire leur propre cœur.Aïcha participait activement à ces efforts, refusant d’être simplement une souveraine distante donnant des ordres depuis le confort de son palais. Elle préférait marcher au milieu des siens, partager leur fatigue, leurs sourires, leurs histoires, et même parfois leurs larmes. Cette proximité la faisait se sentir vivante, utile, et surtout profondément connectée à son peuple.Un matin ensoleillé, elle se trouvait dans un quartier durement touché par les affrontements, aidant à remettre debout les murs d’une maison familiale détruite pendant l’assaut d’Alkazar.
Avec l’alliance désormais scellée, Nemtaba commença à goûter pleinement à la paix retrouvée. La vie reprenait lentement son rythme habituel, et les habitants, soulagés de ne plus vivre sous la menace constante d’une guerre, commençaient enfin à sourire sincèrement, à rêver de nouveau, et à envisager l'avenir avec sérénité.Pourtant, au cœur du palais, malgré la joie extérieure, de nouvelles tensions discrètes commençaient à naître. Aïcha sentait profondément cette agitation silencieuse. Quelque chose se préparait dans l’ombre, quelque chose qu’elle ne comprenait pas encore, mais qui troublait profondément son esprit.Un après-midi tranquille, alors qu’elle parcourait les couloirs du palais, elle surprit involontairement une conversation chuchotée entre deux conseillers, dissimulés dans une alcôve éloignée des regards indiscrets. Leur ton bas et inquiet alerta immédiatement son attention.— Tu crois vraiment qu’elle sera capable de maintenir cette alliance ? murmurait l’un d’eux, visib
La nuit qui suivit la tentative d’assassinat d’Arkanis fut longue, éprouvante, et chargée d’une tension oppressante qui imprégnait chaque recoin du palais. Aïcha, profondément bouleversée, ressentait douloureusement la trahison qui s’était glissée dans l’endroit même où elle pensait pouvoir être en sécurité. Elle avait passé la nuit à veiller personnellement sur Arkanis, dont l’état, bien que stable, demeurait préoccupant.Le lendemain matin, alors que le soleil venait à peine d’illuminer les murs encore sombres du palais, Malik vint la retrouver, inquiet mais déterminé :— Nous n’avons toujours aucune trace de l’agresseur, murmura-t-il doucement. Quelqu’un le protège sûrement de l’intérieur. Cette menace est proche, Aïcha. Très proche.Elle hocha lentement la tête, le visage marqué par la fatigue et la déception profonde :— Je sais, Malik. Mais comment est-ce possible ? Qui dans notre entourage pourrait vouloir détruire tout ce que nous avons construit ensemble ?Il soupira légèreme
Le jour du procès du conseiller Idriss arriva rapidement. Dès l'aube, une atmosphère tendue avait envahi la cité entière. Les habitants de Nemtaba, encore fragiles après les récents événements, ressentaient vivement l’impact de cette trahison interne. Le palais, d’ordinaire chaleureux et accueillant, était devenu froid, silencieux, et étrangement hostile, comme si les murs eux-mêmes ressentaient le poids du drame qui s’y déroulait.La grande salle du trône avait été aménagée spécialement pour ce jugement crucial. Tous les dignitaires de Nemtaba ainsi que les représentants d’Alkazar et des autres royaumes alliés avaient été conviés pour assister au procès. La présence du roi Arkanis, toujours blessé mais déterminé à soutenir Aïcha publiquement, renforçait l’importance symbolique de l’événement.Assise sur son trône, Aïcha arborait une expression calme mais sévère. À ses côtés, Malik et Tahar observaient en silence, profondément conscients des enjeux de cette journée. Lorsqu’Idriss fut
Dans les jours qui suivirent la décision d’Aïcha d’exiler Idriss plutôt que de le condamner à mort, une atmosphère étrange s’installa progressivement à Nemtaba. Les réactions au sein du peuple furent partagées entre admiration profonde envers la clémence de leur reine, et une inquiétude sourde quant aux conséquences éventuelles de ce choix. Tandis que certains louaient sa sagesse et son humanité, d’autres murmuraient dans les ruelles qu'elle avait été trop indulgente, mettant en péril la stabilité encore fragile de la cité.Ces murmures pesaient lourdement sur Aïcha, même si elle refusait de montrer publiquement à quel point elle en était affectée. Pourtant, elle ressentait intensément cette division subtile qui commençait à s’insinuer, menaçant d’ébranler l’unité qu’elle avait tant peiné à construire.Un matin, alors qu’elle observait silencieusement la cité depuis les fenêtres du palais, elle sentit la présence rassurante de Malik à ses côtés. Sans même se tourner vers lui, elle mur
La tension au sein du palais de Nemtaba atteignait son paroxysme tandis que les émissaires envoyés à Alkazar tardaient à revenir. La cité, à peine remise de ses blessures récentes, vibrait désormais d’une inquiétude palpable. Aïcha marchait d’un pas rapide dans les couloirs éclairés par les rayons du soleil matinal, tentant de maîtriser l'angoisse qui nouait son estomac.Elle savait que la paix était fragile, mais elle n’avait jamais imaginé qu’elle pourrait vaciller aussi vite. En atteignant la salle du conseil, elle trouva Malik déjà présent, penché sur une carte des territoires frontaliers, discutant à voix basse avec Tahar. Les deux hommes interrompirent immédiatement leur échange en apercevant Aïcha.— Quelles nouvelles avons-nous ? demanda-t-elle sans détour, son regard allant de l’un à l’autre.Malik soupira légèrement, son visage exprimant clairement l’inquiétude qu’il ressentait :— Nos messagers ne sont toujours pas revenus. Les soldats d’Alkazar campent à quelques kilomètre
Le palais de Nemtaba était plongé dans une ambiance pesante et inhabituelle, la suspicion imprégnant chaque couloir, chaque chambre, chaque conversation murmurée derrière les portes closes. Depuis la révélation de la trahison interne, un malaise profond s’était installé au cœur même du lieu qui aurait dû être le plus sûr au monde pour Aïcha. Chaque visage familier semblait désormais porter le masque du doute, chaque mot prononcé devenait suspect, et chaque regard pouvait cacher un secret dangereux.Aïcha ne trouvait plus le repos, hantée par la certitude que le traître se trouvait juste à côté d’elle, dans l'ombre. Malik ressentait aussi ce trouble, mais il se forçait à rester solide pour elle, lui apportant son soutien calme et silencieux, même quand son propre esprit était troublé par l'angoisse de ce qu'ils pourraient découvrir.Un matin, alors que les premières lueurs dorées traversaient doucement les rideaux du palais, Malik retrouva Aïcha dans son bureau, penchée sur plusieurs l
L’aube venait à peine d’effleurer les murs encore sombres du palais, mais déjà, l’agitation régnait dans la grande cour intérieure. Aïcha, entourée de Malik et Tahar, observait les guerriers se préparer à partir à la poursuite de Lamine, le frère cadet de Tahar, désormais recherché comme traître à la couronne. Le silence lourd qui planait autour d’eux en disait long sur le trouble que tous ressentaient. L’un des leurs, quelqu’un qu’ils avaient côtoyé quotidiennement, se révélait être la source même du chaos menaçant la paix si fragile de Nemtaba.Tahar, profondément affecté par la révélation de la trahison de son propre frère, se tenait silencieux à côté d’Aïcha. Son regard, empli de tristesse et de culpabilité, ne pouvait cacher l’immense douleur qui rongeait son cœur.— Majesté, murmura-t-il finalement avec une voix hésitante, laissez-moi vous accompagner dans la recherche de Lamine. Je le connais mieux que personne. Si quelqu'un peut le convaincre de se rendre, c'est moi.Aïcha pos
Le chemin de verre s’effaça doucement derrière eux, comme un rêve rendu à la mer.Devant eux, la terre devint plus sombre.Plus riche.Chaque pas soulevait une odeur d’humus, de racines profondes, de souvenirs anciens.Le vent avait changé de voix.Il ne portait plus seulement des chants.Il murmurait.Bas.Continu.Comme un chœur discret, né du sol même.Ils avancèrent, le cœur lent, les yeux grands ouverts.Ils savaient.Ils sentaient.Ils étaient entrés dans la Forêt des Mémoires.Les arbres étaient immenses.Leurs troncs larges comme des murailles.Leurs branches tissées en voûtes naturelles.Chaque feuille semblait porter une lumière intérieure.Un éclat discret.Pas éclatant.Pas aveuglant.Chaleureux.Ils marchaient, fascinés.Les troncs, les branches, les racines semblaient vibrer doucement sous leurs pas.Et sur chaque tronc… des traces.Des empreintes.Des signes.Parfois une main gravée.Parfois un mot.Parfois juste une forme imprécise.Des marques d’âmes passées.Ils comp
La plaine disparut derrière eux dans un dernier frémissement de vent tiède.Leurs pas, désormais, ne cherchaient plus à fuir.Ils avançaient par désir d'être.Par curiosité douce.Par appel intérieur.Le chemin devant eux n’était plus une fuite en avant, ni une quête désespérée.Il était rencontre.Rencontre avec eux-mêmes.Avec ce qu’ils étaient devenus.Et avec ce qu’ils allaient encore devenir.Très vite, ils sentirent le changement.L'air, d'abord, devint plus dense.Plus frais.Le sol sous leurs pieds semblait vibrer légèrement.Et devant eux…Une lueur.Étrange.Irréelle.Un miroitement qui semblait respirer.Ils accélérèrent.Le cœur battant.Et la virent.La mer.Mais pas une mer d’eau.Une mer de verre.Immobile.Cristalline.Étendue à perte de vue.Chaque vague figée en plein mouvement.Chaque crête scintillante sous la lumière douce du ciel.Ils s’approchèrent du rivage.Et s'aperçurent que le verre n'était pas opaque.Qu'en se penchant au-dessus, on pouvait voir à travers.
Le matin fut long à venir.Quand ils ouvrirent les yeux, la grotte étoilée s'était évanouie comme un rêve heureux.Le monde qui les attendait dehors semblait plus vaste.Plus nu.Le vent glissait doucement sur la plaine, soulevant des volutes de poussière pâle.Un vent léger.Presque timide.Ils marchèrent.Droit devant eux.Pas parce qu’ils savaient où ils allaient.Mais parce qu'ils avaient appris à faire confiance à l’appel muet des chemins.Au bout de plusieurs heures, ils sentirent le changement.Pas une frontière.Pas un panneau.Un frisson subtil dans l’air.Une densité nouvelle.Comme si l’espace lui-même leur chuchotait :"Ici, quelque chose vous attend."Devant eux, la plaine s’étendait à perte de vue.Vide.Ou presque.Quand ils plissèrent les yeux, ils virent des formes.Des reflets.Des lignes floues.Et peu à peu, ils comprirent :Des portes.Pas des portes dressées.Pas des portes sculptées.Des portes invisibles.Posées dans l’air.Suspendues.Comme des promesses silen
La nuit tomba plus tôt ce jour-là.Non pas brusquement.Mais comme une caresse.Un drap tiré doucement sur leurs épaules.Ils marchaient depuis des heures déjà, leurs nouveaux trésors serrés dans leurs mains ou nichés contre leur cœur.Et au loin, dans la pénombre, une lumière.Faible.Clignotante.Pas un feu.Pas un village.Quelque chose d’autre.Quelque chose de vivant.Ils échangèrent un regard.Puis accélérèrent le pas.À mesure qu'ils approchaient, la lumière se clarifiait.Elle venait d’une ouverture dans la roche.Une grotte.Large.Béante.Mais douce.Presque accueillante.Comme une bouche ouverte prête à chanter.Devant l’entrée, une stèle de pierre.Simple.Sur laquelle était gravé :> "Chaque souffle que tu offres éclaire une nuit que tu ne vois pas."Ils restèrent un moment devant l’inscription.À la laisser entrer dans leur peau.Dans leur souffle.Puis, sans un mot, ils entrèrent.La grotte était vaste.Froide au premier abord.Mais étrangement réconfortante.Le sol éta
La clairière du tisserand s’évanouit derrière eux comme un rêve dont on garde la chaleur mais dont les détails s’effacent.Leurs pas, légers malgré la fatigue, semblaient désormais habités d’un nouveau rythme.Un rythme intérieur.Non pas dicté par la destination, mais par la justesse du moment.Ils marchaient longtemps.Peut-être des heures.Peut-être des jours.Le temps avait perdu son ancienne forme.Ils étaient devenus autres.Et le monde autour d’eux semblait s’ouvrir en réponse.À l’orée d’une grande plaine, le vent leur apporta quelque chose d’inattendu.Des voix.Des rires.Des appels.Mais pas bruyants.Pas commerciaux.Des voix pleines de douceur, de souvenirs murmurés.— Il y a un marché, souffla Komi, plissant les yeux.— Mais il n’est pas comme les autres, répondit Salimata.Ils avancèrent.Et découvrirent.Une multitude d’étals.Pas de tentes criardes.Pas de cris de vendeurs.Chaque étal était une île de lumière.Et sur chaque table…Pas des objets neufs.Pas des trésor
Ils quittèrent la tour à l’aube.Derrière eux, le paysage semblait avoir changé de lumière.Comme si le monde lui-même avait entendu leurs aveux.Ils marchaient sans parler.Mais leur silence n’avait rien de vide.Il était plein de ce qu’ils étaient devenus.Leurs pas étaient plus ancrés.Leur souffle plus libre.Et dans leurs regards, une reconnaissance nouvelle.Non pas de l’autre.De soi.Ils ne cherchaient plus à arriver quelque part.Ils se laissaient guider.Par ce qu’ils ressentaient.Et par ce que le monde leur murmurait.Le sentier les mena à une clairière.Large.Ouverte.Mais couverte d’une brume douce.Presque vaporeuse.Au centre, une grande toile suspendue entre quatre arbres.Et autour… des vêtements.Suspendus dans l’air.Mais sans corde.Sans cintre.Flottants.Invisibles.Parfois, un pli se dessinait.Une manche.Un col.Une étoffe qui ondulait comme une pensée.Et tout près, un homme.Assis.Silencieux.Il tissait.Pas avec une machine.Avec ses mains.Et son souffl
Ils marchaient depuis deux jours sans croiser âme qui vive.Le paysage avait changé.Les arbres étaient devenus plus rares, plus noueux.Le ciel semblait plus proche.Et l’air, plus dense.Pas étouffant.Chargé.Comme si les pierres, les herbes, la terre elle-même retenaient leur souffle.À chaque pas, le silence s’intensifiait.Non pas vide, mais attentif.Ils sentaient qu’ils s’approchaient de quelque chose.Quelque chose de haut.Et soudain… elle fut là.Une tour.Plantée au centre d’une plaine nue.Ni forêt autour.Ni collines.Juste elle.Étrange.Brute.Presque organique.Elle semblait née de la terre, plutôt que bâtie.Pas de porte visible.Pas d’escaliers.Aucune ouverture.Juste cette masse haute, droite, impossible à ignorer.Et pourtant… étrangement invitante.Ils s’approchèrent.Chaque pas vers elle semblait plus lourd.Comme si la tour pesait sur l’air lui-même.Ou sur leurs épaules.Sur leurs pensées.Et en arrivant à sa base, ils virent une inscription gravée dans la pi
Le matin se leva sans hâte, étirant ses couleurs comme on déploie une couverture sur un corps endormi.Les enfants, encore enveloppés dans les souvenirs vibrants de la montagne d’échos, marchaient d’un pas calme, presque méditatif.Leur silence n’était plus pesant.Il était plein.Plein de ce qu’ils avaient déposé là-haut.Plein de ce qu’ils ne savaient pas encore nommer.Et dans l’air, une douceur.Un parfum de terre, de mousse, de promesse.Ils ne savaient pas où ils allaient, mais ils savaient que quelqu’un les attendait.Et ils avaient appris, désormais, à faire confiance au chant du monde.Au milieu de la journée, ils atteignirent une vallée.Fermée.Paisible.Presque retenue.Comme un lieu qui ne veut pas trop s’offrir.Le sentier descendait doucement, bordé de fleurs pâles, de pierres rondes.Et au fond, une maison.Ou plutôt, une forme.Faite de bois, de tissus, de silence.Elle ne ressemblait à aucune autre.Elle semblait tissée d’absence.Et pourtant, tout en elle disait : e
Le vent avait changé de ton.Plus sec.Plus franc.Comme s’il voulait leur dire que ce qu’ils s’apprêtaient à vivre ne serait pas une traversée douce, mais une confrontation.Les enfants marchaient côte à côte, mais chacun enfermé dans sa propre pensée.Il y avait quelque chose dans l’air.Pas une odeur.Pas une vibration.Un appel.Une urgence tranquille.Comme quand on sent que le temps du détour est passé.Et que, désormais, il faut monter.La montagne apparut à l’horizon dans une brume presque dorée.Étrangement simple.Sans neige.Sans pics.Sans menace.Mais elle imposait le respect.Pas par sa hauteur.Par son présence.Elle ressemblait à une épaule ancienne posée sur le monde.Et quand ils posèrent le pied sur son flanc, quelque chose en eux se figea.Comme si elle les écoutait.Déjà.Avant même le premier mot.Ils avancèrent lentement.Le sol était rocailleux mais pas hostile.Chaque pierre semblait placée là pour une raison.Comme les notes d’une partition muette.— Cette mo