Ses joues prennent une teinte rose vif qui exprime l’intensité de son malaise. Aussitôt, le poids de la culpabilité s’abat sur mes épaules et je soupire en fermant les yeux pour reprendre mes esprits. Je suis parfaitement consciente qu’elle n’avait pas l’intention de me froisser, et je dois apprendre à être plus conciliante avec les gens. Je n’étais pas aussi susceptible quand Carter était encore là. À vrai dire, j’étais peut-être même aussi joyeuse que Jenny. Mais je ne sais plus comment faire à présent. Je ne veux pas être hypocrite et me montrer comme avant alors que tout a changé. Je ne veux pas faire semblant de ne pas être affectée par sa mort. Et surtout, je ne veux pas faire comme si j’avais tout fait pour le sauver. Parce que ce n’est pas le cas. Je l’ai laissé mourir là-bas, et je ne me le pardonnerai jamais.– Non, c’est moi qui suis stupide, dis-je finalement. Je suis désolée, la situation est un peu… délicate. J’ai l’impression d’avoir brisé leur couple par ma simple prés
– Comment peux-tu rire ? Ton frère n’en a plus la chance, lui, et c’est parce que tu l’as tuée !– Quoi ? chuchoté-je en lâchant mes couverts, qui retombent bruyamment dans mon assiette.Je savais que ma mère me tenait pour responsable de la mort de Carter. Elle transpirait le reproche à travers tous ses pores. Et ça faisait mal, mais jamais autant qu’en ce moment, alors qu’elle m’accable ouvertement pour un drame dans lequel j’ai failli perdre la vie, moi aussi. Pendant un court instant, je me rappelle le crépitement des flammes et les cris des victimes qui me perçaient les tympans. Des hurlements de souffrance, d’horreur, de tristesse.Mais ma mère ne le sait pas. Elle n’était pas là. Mon père non plus. Et ils n’ont rien vu de ce cauchemar. Ils n’ont pas assisté à… ça.Je déglutis en prenant une profonde inspiration pour ne pas me laisser submerger par mes souvenirs. Mais c’est trop tard. Déjà, la chaleur des flammes me brûle la peau et je n’entends plus rien hormis Carter qui me hu
– Je vous appelle en arrivant, dis-je simplement.Sac de voyage en main, je passe devant eux et avance en direction de l’immense grillage qui marque la limite du village. Soudain un hurlement de loup strident résonne dans l’air. Il me percute si fort que je trébuche jusqu’à tomber à genoux, emporté par un tourbillon d’émotions. Il se fraye un chemin jusqu’à mon cœur et il se comprime en entendant cette souffrance à l’état pur. C’est si fort, si perçant, que je me bouche les oreilles pour y échapper et protéger mon cœur de l’affreuse douleur que j’éprouve subitement. Mais étouffer ce son est encore pire. Il se répand au plus profond de moi comme s’il provenait directement de mon esprit avec pour objectif de ravager mon âme. Mon cœur bat vite et fort, ma marque s’enflamme sur ma main et mes idées s’éclaircissent assez pour comprendre que cet appel à l’aide désespéré provient d’Inaya.À cet instant, mes instincts les plus primitifs prennent le dessus sur la raison, prêts à anéantir la so
Un nouveau soupir s’échappe de ses lèvres, mais rien ne bouge sur son visage. Pas un haussement de sourcils, pas un tic nerveux, juste… rien.Puis elle m’avoue, enfin, d’une voix éraillée :– C’est de ma faute. Tout est de ma faute, Mason. Ils ont raison, je l’ai tué.Ses mots me heurtent de plein fouet. L’espace d’un instant, je crains le pire, mais elle est mon âme sœur et au plus profond de moi, je suis persuadé qu’elle est incapable de commettre une telle atrocité. La simple idée qu’elle puisse s’imaginer le contraire m’enrage.– Bon sang, mais de quoi tu parles ? Tu n’as tué personne !– SI ! Je l’ai abandonné dans les flammes, c’est la même chose ! J’ai laissé Carter mourir là-bas ! hurle-t-elle. Mes parents disent la vérité, c’est comme si je l’avais tué de mes propres mains !Ses parents ?– Attends, une seconde. Ce sont eux qui t’ont mis ces idées dans la tête ?– MAIS ON S’EN FICHE !Brusquement, elle tire sur sa main, toujours posée sur ma poitrine, pour la libérer de la mi
– Inaya ! Inaya, réveille-toi ! la supplié-je en effleurant ses joues du bout de mes doigts, sans oser vraiment la toucher.Mais elle ne réagit pas. Si son corps est revenu au stade d’humaine, alors sa guérison est d’autant plus lente. Cependant, je ne vois rien se passer…Je ferme les yeux et affine mon ouïe pour entendre son cœur battre dans sa poitrine. Ses pulsations sont faibles et ralentissent à mesure que le sang s’écoule de sa tête, mais elles sont présentes. Sans réfléchir plus longtemps, je redresse délicatement son buste pour le faire reposer sur mon torse et la soulève. La tenant contre moi, je cours aussi rapidement que j’en suis capable jusqu’au village.Tout est calme et silencieux dehors, comme s’ils s’étaient tous passé le mot pour s’enfermer chez eux dès la nuit tombée. Mais à peine sorti de la forêt, je hurle le prénom d’Alana, la guérisseuse, attirant l’attention des quelques personnes chargées de la sécurité, qui font des rondes dans le village.Le sang chaud d’In
La tension quitte mon corps en entendant la guérisseuse annoncer que mon âme sœur est probablement hors de danger. Une larme coule sur ma joue, que Lorenzo s’empresse d’essuyer à la discrétion des autres membres de la meute, dont il me dissimule toujours.Je me mets à trembler tant je suis soulagé.– Lâchez-le, ordonne mon alpha.À la seconde où mes bras sont libérés, je retourne près d’Inaya et la soulève pour l’emmener à l’infirmerie. Sous les indications d’Alana, je l’installe dans une chambre. La guérisseuse m’invite à aller me doucher rapidement pour me délester du sang séché qui macule mes bras.Je reviens moins de dix minutes plus tard, habillé d’un jogging et d’un nouveau t-shirt propre. Mes cheveux sont encore humides quand je m’allonge près de mon âme sœur sur le petit lit de l’infirmerie. Alana ne conteste pas, comme si elle savait déjà que quoi qu’elle puisse dire, je ne bougerais pas d’ici. À ce moment précis, le contact de la peau d’Inaya m’est indispensable.– Sa plaie
Alana s’écarte de mon âme sœur et nous laisse à nos retrouvailles. Lorenzo se tient en retrait, vers la porte, mais il nous regarde d’une manière que je ne saurais déchiffrer. Il semble tiraillé entre deux extrêmes, comme s’il ne savait pas comment interpréter notre relation. Moi aussi, je l’ignore, et pourtant, je ne peux pas résister à Inaya. J’ai beau essayer de m’en éloigner, de penser à autre chose, d’avoir le désir de garder une relation platonique, toutes les cellules de mon cœur me ramènent sans cesse vers elle.La nature a fait son choix et elle a décidé que ce serait elle pour moi, et moi, pour elle.Un léger soubresaut de son bras me tire de mes divagations. Ses paupières paraissent lourdes et elle repose doucement sa tête sur l’oreiller en grimaçant. Cependant, ses traits tendus ne laissent aucun doute sur son inquiétude quant au fait de rentrer auprès de ses parents. Et je ne laisserai pas ça se produire. Inaya a survécu à un drame. Elle doit faire son deuil, et ce n’est
InayaJe me réveille, sonnée et toujours aussi épuisée. Alana m’a secouée pour boire de l’eau presque toutes les heures aujourd’hui. Heureusement pour moi, cette fois, elle ne semble pas être à proximité, contrairement à Mason dont l’odeur emplit la pièce. Je tourne la tête vers le fauteuil où il s’est installé pour veiller sur mon sommeil. Ses yeux sont fermés et sa poitrine bouge à un rythme régulier. Derrière lui, le ciel est sombre, uniquement éclairé par le clair de lune. La nuit doit être tombée depuis un moment…En toute honnêteté, je ne sais pas quoi penser de tout ce qui s’est passé. Encore moins du changement dans l’attitude de Mason. En revanche, ce dont je suis sûre, c’est que sa présence compte. Elle apaise mon cœur et rassure mon âme. Un peu comme s’il me suffisait de l’avoir à mes côtés pour me sentir légitime d’être en vie et pour ne pas regretter de ne pas avoir péri dans les flammes comme Carter. Si seulement mes parents pouvaient voir les choses sous cet angle… Depu
D’un mouvement de la tête, il m’invite à regarder Carole, toujours de l’autre côté du cercle. Jake Miller se dirige vers elle sous ses yeux pétillants. J’ignore si elle a décidé de revenir définitivement dans la meute, mais une chose est sûre : elle est heureuse d’être là, avec ses amis. Sa famille. Je ne suis même pas sûre qu’elle en ait conscience.Elle serre Jake dans ses bras, mais pas comme on le ferait avec un simple ami. Pas comme si Mason avait creusé un trou béant de tristesse et de solitude à cause de son absence. Mais plutôt comme si retrouver Jake lui provoquait un profond soulagement. Et je le sais, car j’ai l’impression de me voir il y a quelques minutes avec Mason.Si Carole et Jake n’en sont pas à s’avouer leurs sentiments naissants, il est tout de même certain qu’ils en ont.– Bien, lance Lorenzo d’une voix puissante qui résonne parmi la foule. Puisque nous sommes tous là, ou presque, commençons.Les chuchotements s’essoufflent au point de plonger le village dans un s
– Mes affaires.– Pourquoi ? demande-t-il avant même que l’écho de mes mots ne se soit essoufflé.– Eh bien… Je me suis dit que ce serait déplacé de rester ici avec Carole à côté… Je ne voudrais pas créer un malaise…Il fronce les sourcils, l’air de réfléchir à ce qui aurait pu me faire penser ça, puis son regard revient percuter mes iris.– Je t’ai dit que tu étais ici chez toi et que tu pouvais rester aussi longtemps que tu le souhaitais.– Mais Carole…– Carole vient de s’installer chez Ella et Lorenzo. Elle laisse ainsi sa maison à disposition, en cas de besoin. Tout est clair désormais entre elle et moi.J’ouvre la bouche pour répondre quelque chose qui me donnerait moins l’air désespéré, mais rien n’en sort. La situation est si perturbante qu’une vague de soulagement me fait vaciller lorsque Mason m’adresse un sourire sincère en esquissant un pas vers moi.– Tu m’as manqué, murmure-t-il.Il avance encore, jusqu’à s’arrêter à quelques centimètres. Son souffle s’échoue sur mes jou
Ses épaules se détendent imperceptiblement et un sourire éclaire son visage lorsque nous passons entre les premiers arbres qui marquent la lisière de la forêt.– Tu as toujours vécu ici ? demande-t-elle.– Oui ! C’est le cas de la plupart des membres de la meute.Je lui prends la main pour l’aider à escalader quelques rochers avant de reprendre notre avancée tranquillement. Ce n’est que quelques mètres plus tard que je prends conscience de ne pas l’avoir lâchée.Nous évoluons sur le terrain escarpé en comparant ma vie recluse au village et la sienne, pleine de possibilités, dans une ville où le tourisme est particulièrement actif. Je lui avoue n’avoir jamais imaginé ma vie ailleurs que dans ce coin paumé au cœur de la Louisiane.Finalement, nous atteignons le sommet de la colline où nous avons l’habitude de nous retrouver avec le groupe. C’est un peu notre endroit à nous, notre refuge, où rien ni personne ne pourra jamais nous atteindre.– Waouh… lâche-t-elle dans un soupir en découvr
MasonEn sortant de la douche pour rejoindre la solitude de ma chambre d’hôtel, les cheveux encore dégoulinants, je repense à ma conversation avec Carole.Ces dernières semaines, bien qu’on se disputait souvent, je l’aimais, et ça fait du bien d’apprendre qu’elle aussi, même si nos sentiments avaient déjà pris une autre voie. Ils s’étaient transformés en quelque chose de moins passionnel, et sûrement de plus amical au fond. Ce que je ressens pour Inaya n’a pas d’égal. C’est tellement plus… profond. Indescriptible. Et si une part de moi sera toujours attachée à Carole, je dois faire mon chemin de mon côté et lui laisser une chance d’en faire de même, y compris si c’est avec Jake.La sonnerie de mon téléphone m’interrompt dans mes pensées alors que j’enfile un bas de survêtement. Le nom de Lorenzo s’affiche sur l’écran. Je fronce les sourcils, étonné. Il sait où je suis et ce que je suis venu faire là, il n’est pas du genre à se manifester dans ce type de situations. Je repense à ce qu’
– Laisse-la digérer l’information. Tu la retrouveras plus tard.Je fronce les sourcils, à la fois intriguée par le départ d’Ella et perplexe face à ce qui se joue sous mes yeux. Je ne comprends plus rien. En quoi la sœur de l’ancien alpha pourrait être mêlée à cette affaire ? Pourquoi était-elle en prison ? Et surtout, comment a-t-elle réussi à s’en échapper ?C’est Brice qui attire mon attention en soupirant bruyamment. Puis il entreprend de me raconter.– Nicole a toujours été de nature très jalouse. C’est presque maladif chez elle. Je suis l’aîné de la fratrie, alors j’ai repris la direction de la meute après mon père. Elle ne l’a jamais supporté. Je suppose que tout est vraiment parti de là. Puis, elle a épousé l’alpha Miller…– Miller comme… Jake et Gregor ? l’interrompé-je de plus en plus étonnée.– C’est leur père, oui. Nicole est leur belle-mère. Mais cette union ne lui a pas suffi. Elle voulait diriger et elle n’était pas en position de le faire, du moins pas toute seule. C’e
Inaya– C’est le deuxième incendie en à peine quelques semaines. Comme dans le village de Dwayne, personne n’a rien vu avant les premières flammes. Il y a bien eu un bruit d’explosion, mais ça a été rapidement mis de côté face à la fureur du feu qui s’est propagé. Ce n’est que plus tard que la thèse de l’incendie criminel a été confirmée. Heureusement, il n’y a eu aucun blessé, mais il faut faire quelque chose pour que ça ne se reproduise plus, récapitule Lorenzo en s’asseyant autour de la table du Conseil, juste à côté d’Ella.Je n’arrête pas de passer en revue les maigres informations dont nous disposons à ce sujet, dans l’espoir d’y trouver une explication. J’ai un mauvais pressentiment. Une sombre impression que quelque chose de beaucoup plus grave, qu’on ne se l’imagine, se prépare dans notre dos. Et en attendant, on perd notre temps à discuter…Sur le chemin vers la salle du Conseil, Ella m’a informée des dernières nouvelles pour que je ne sois pas perdue. Il y a quelques jours,
Mason :Je ne sais pas trop, en fait.C’est la fin d’une période dema vie, pendant laquelle j’aigrandi et aimé, comme jamaisavant de te rencontrer.L’espace d’un instant, je crois bien que je cesse de respirer. J’ignore s’il a volontairement sous-entendu qu’il m’aimait ou s’il a dit ça juste comme ça, parce que nous sommes des âmes sœurs et que le lien qui nous unit est particulièrement inexplicable, mais le fait est qu’il l’a dit. Et mon cœur l’a compris.Je relève les yeux de mon écran pour méditer sur cette déclaration cachée et je tombe sur une photo d’Ella et Lorenzo, le jour de leur mariage. Leurs yeux jaunes pétillants de bonheur et l’aura qu’ils dégagent me font réaliser que c’est en moi que je dois puiser la force et la volonté de vivre une belle histoire avec Mason. Une histoire qui nous ressemblera, nous, et personne d’autre.Je reprends mon souffle en inspirant profondément. Je concentre mon attention sur l’appareil et je le serre si fort dans mes mains que mes phalange
– Un nouvel incendie. Dans la meute des parents d’Ella, cette fois. On a des raisons de croire que Nicole sait quelque chose. Brice cherche des infos de ce côté-là.– Est-ce qu’on peut faire quelque chose pour aider ?– On ? m’étonné-je, irrité.Il y a à peine cinq minutes, elle m’a fait comprendre qu’elle ne faisait pas partie de la meute, qu’elle ne s’y sentait pas chez elle après y avoir vécu pendant cinq ans, et maintenant, elle voudrait intervenir ? Je trouve ça tellement paradoxal que mon cerveau n’arrive plus à suivre. J’ignore si je devrais me concentrer sur sa solidarité ou sur le trou béant qu’elle a creusé dans ma poitrine, comme si je n’avais pas suffi à la rendre heureuse au village, que l’amour que je lui portais ne valait rien.– Écoute, Mason… Je suis désolée. Tu n’as pas tous les torts. Si je suis honnête, je dirais même que tu n’en as aucun. J’ai bien vu que tu ne pouvais pas lutter contre l’attirance que tu ressens pour Inaya, et je ne t’en veux pas, mais tu ne peux
16MasonPerché sur le bureau de Carole, les pieds sur sa chaise, je l’observe, détaillant chaque trait de son visage, chaque parcelle de sa silhouette, mais je ne ressens rien d’autre que de la culpabilité. Il n’y a plus cet amour qui crépitait entre nous et nous animait. Je sais qu’elle le ressent aussi. Notre relation n’allait déjà plus très bien avant l’arrivée d’Inaya, mais on tenait le coup. Peut-être par habitude ? Quoi qu’il en soit, je ne veux pas continuer de cette manière, et je ne pense pas qu’elle en ait envie non plus.Assise sur le bord de son lit, à quelques mètres de moi, elle se tient droite, ignorant l’attention que je lui porte. Son téléphone vibre à côté d’elle, l’écran s’allume pour lui indiquer l’arrivée d’un nouveau message, mais elle n’y jette qu’un bref coup d’œil avant de retourner l’appareil face contre le matelas.Voilà presque dix minutes que personne ne parle, même si je devrais probablement me lancer puisque venir ici était mon idée. Mais maintenant que